lundi 15 octobre 2012

Internet, c'est le vol

Je n'ai pas très envie de revenir sur les posts précédents qui ont occasionné à mon sens plus de mal que de bien. Est-ce de l'incompréhension ou des problèmes d'égo ? Les deux sans doute. Ce qui est sûr, c'est que je suis incroyablement surpris de voir que les gens qui siègent comme des pontes dans des conférences et des séminaires sur l'image méconnaissent à ce point les conséquences de l'utilisation non régulée (sauf dans leur tête) des photos sur internet. Il faut dire qu'à force de devenir spécialiste d'un truc de plus en plus pointu, on devient un spécialiste de rien.
Je men tape un peu, vu que quoi qu'il en soit, je continuerai à vivre ma petite vie minable de photographe inconnu et je finirai dans la misère sous les quolibets des mecs qui font des photos de couchers de soleil en raw compressé pour les mettre en CC sur le net (ou même de David Abiker). En même temps, j'ai besoin de clarifier certains points pour pouvoir passer à d'autres sujets beaucoup plus futiles et donc autrement plus passionnants (*).

1er point/ Vive la culture et le partage !
Les gens qui mettent des photos sur internet sous prétexte de "culture", de "partage", "d'information", de "réseaux sociaux", "d'expression artistique", de raconter leur "vacances", d'exposer leur "progéniture" ou de montrer leur "sexe épilé ou non", de récolter des awards sur FlickR (Ah ah ah !), de montrer comment se couche le soleil à Uluwatu ou leurs recettes de cupcakes, je m'en branle totalement, sauf quand c'est les miennes de photos ... Capish ?

2ème point/ Alors c'est quoi le problème ?
Le problème (dans mon cas) c'est l'atteinte aux droits qui s'attachent aux images (et aussi d'ailleurs aux personnes représentées !), grâce à la propagation virale d'un comportement malhonnête qui consiste à utiliser des photos sans se préoccuper de savoir si on a le droit de le faire. Et c'est bien la mise à disposition gratuite d'images et le principe de promouvoir (en plus !) leur utilisation qui dynamite le droit d'auteur pour la plus grande joie des diffuseurs. À partir du moment où des millions d'images sont gratuites, les barrières tombent et toutes les images deviennent gratuites pour tous les utilisateurs. Peu importe les restrictions imposées par ta petite licence de merde ! Si tu n'as pas compris ça, t'as rien compris ou tu ne veux pas comprendre, ce qui est très différent (dans le premier cas, t'es un crétin et dans le deuxième un connard avec un grand C. Hein ??? Ouais Connard).

3ème point/ Ah bon ? Et alors ?
Alors, si je vends une photo au site de l'Express et que je la retrouve dupliquée sur 25 autres sites (sans aucune mention de crédit en plus), ça me pose un problème. Je suis un professionnel et je vis de la vente de mes photos au cas où tu n'aurais pas saisi. Quand je retrouve plus de 1 500 photos dont je suis l'auteur sur Pinterest, le dernier réseau social en vogue en attendant le prochain, je me demande si c'est moi qui ai un problème. Quand je vois une de mes photos qui fait des petits 400 fois sur des pages Tumblr, dois-je prendre cela comme un hommage ou comme du foutage de gueule ?

4ème point/ T'as qu'à prendre un avocat !
Mais bien sûr ! Un avocat qui parle chinois et russe (pour les sites qui effacent mon copyright pour mettre le leur à la place), américain et japonais (pour ceux qui compilent les photos sur des plate-formes pour vendre de la pub) et français pour tout le reste. Si en plus, il maitrise le droit international et qu'il se fait payer au résultat, c'est parfait et je vais être riche, car je pense que j'ai entre 8 et 10 000 photos qui se baladent sur le net. Je crois qu'avec 300 ou 400 procédures dans une trentaine de pays, on devrait s'en sortir assez bien.

5ème point/ T'as qu'à pas mettre tes photos sur Internet ... C'est ça la culture numérique Baby !
Ah oui c'est vrai. Le partage ! Je n'y avais pas pensé. Je croyais qu'il fallait vivre avec son temps et savoir évoluer dans la pratique de son métier et comme les jeunes professionnels parfaitement intégrer l'utilisation de la culture numérique et des réseaux sociaux ... Je le fais et voilà le résultat. Bon mais l'important, c'est de partager n'est-ce pas ... Au fait, ils font comment les jeunes professionnels au fait de la culture numérique pour bouffer ? Ils bouffent peut-être des pixels ...

6ème point/ T'as pensé à changer de métier ?
Je t'emmerde

Frozen Piglet


(*) Comme: En 2013, vais-je enfin utiliser mes optiques Blad (60-100-180) montées sur mon Nikon, grâce à l'adaptateur que j'ai acheté un jour de déprime ?
Si j'ai une grosse rentrée d'argent, est-ce que j'aurai alors la chance de devenir un amateur avec un dos moyen-format de 80 millions de pixels pour produire en masse des photos de microstock en Lituanie ? (Ben quoi ?)
Si je croise Dolly Parton et que je lui demande de me montrer ses nichons, est-ce qu'elle va me dire: " Sure Honey !  I've waited all my life for this moment ! Will you take a picture on your I-Phone 5 with Instagram vintage filter ?"
Est-ce que je vivrais assez vieux pour voir Google, Facebook, FlickR, Tumblr, Pinterest et Twitter déposer le bilan, parce que ils n'auront pas su évoluer dans leur métier ?







23 commentaires:

Anonyme a dit…

<<Est-ce que je vivrais assez vieux pour voir Google, Facebook, FlickR, Tumblr, Pinterest et Twitter déposer le bilan, parce que ils n'auront pas su évoluer dans leur métier ?<<

Pour FB tu ne vas pas attendre longtemps, la patience c'est un truc de photographe ;-))

Grégoire a dit…

Je suis sur que tu dis ça parce que t'es même pas dans l'explore.

Frozen Piglet a dit…

C'est quoi l'explore ?

Pour FB
faut voir

Grégoire a dit…

Enfin l'explore, le Graal de FlickR !!!

Frozen Piglet a dit…

Ah je vois.
En fait "l'Explore"
c'est comme un award, mais par FlickR !

Grégoire a dit…

Oui, excuse moi "l'Explore". C'est au delà de l'award. Dans FlickR, il y a un "logiciel central" qui en permanence scrute le titre, la description, les tags, le nombre de vue, le nombre de commentaires, de favoris, d'awards de ton image pour définir si elle fera parti de l'Explore du jour (500 photos par jour quand même) et ton rang dans l'explore. Si tu es dans les dix premiers à toi la gloire et les filles faciles.
Là ou je me pose des questions c'est que la photo elle même n'entre en aucun cas dans ces critères. Enfin, c'est nouveau, c'est internet, faut pas trop chercher à comprendre.
Maintenant, vu ton ignorance de l'Explore, je me dis que ça doit pas être ça qui te rend si méchant.

Le Monolecte a dit…

Et quand c'est un grand titre de presse française qui te pique une image sous prétexte que c'était en CC (NC)?

Anonyme a dit…

Dans une tuyauterie d'évacuation des eaux usées, il y a beaucoup mais beaucoup de merde et parfois le diamant de madame qui était tombé dans la douche ;-)
Les défenseurs du partage, du gratuit, du CC etc ne parle que des diamants en évitant soigneusement de parler de la merde.
La profusion d'images gratuites c'est de la désinformation en barre. Il suffit de voir à qui profite le crime !

Un mec de mon entourage a filé une photo gratuitement à un diffuseur très connu. Intérieurement j'ai rigolé et j'imagine bien la tête du média qui doit bien rigoler en se disant qu'il vient encore une fois d'enculer une pauvre merde qui se dit et qui pense être "Photographe"

Je rigolerai encore si je me disais pas que la médiocrité est en train de gagner du terrain :/

Anonyme a dit…

En fait, il faut revoir le modele de vente. L'idee etant simplement de vivre de son metier. On peut s'interesser a ce que fait le monde, car les nouvelles c'est un peu comme les photos, c'est dur a "monetiser". Le Monde a commence a publier des eBook (en utilisant iBook Authors, un outil gratuit d'Apple assez incroyable). Dans ce context, les news deviennent des pubs pour l'eBook. Ca pourrait etre la meme chose pour les photos, on peut mettre en ligne des thumbnails, ce qui apprecient la photo acheteront l'eBook pour aller plus loin, connaitre le photographe et son oeuvre, les autres de toute facon ils ne sont pas interesses.

SadSkull a dit…

« La propriété, c'est le vol »
P-J.P.

Anonyme a dit…

"La propriété, c'est le vol"..
Donc , quand il n'y a plus de propriété, il n'y a plus de vol ! CQFD ?
Donc : Vive Fotalia & Co ???

Anonyme a dit…

ben moi hier une cliente m'appelle pour savoir si elle a les droits pour faire des kakémonos avec des images d'un vieux reportage.. Bien dressée non ? en tt cas j'ai été touché, j'ai dit oui et gratis en plus !!!

Pierre Morel a dit…

Je suis jeune photographe, je me retrouve plus du tout dans votre logique du métier les mecs. J'ai grandis à fond avec l'internet, je partage mes images, j'en ai filé des gratos ouai aussi, elles sont utilisées parfois à tout va.

Professionnellement j'ai bien compris qu'on peut plus demander une rémunération par utilisation (en fonction de l'usage). Comme 90% de mes collègues aujourd’hui qui vivent de la photo on fait des forfaits. On les négocie plutôt bien je trouve pour notre génération. C'est sur on gagnera pas 10 000€/mois comme ta génération mais c'est pas non plus ce qu'on cherche. On a changé les règles du jeu mais elles nous conviennent car il a toujours pas mal de gens (et même des jeunes gens) qui mettent plusieurs milliers d'euros dans des prods et dans l'image.

Le problème c'est pas l'argent ou la qualité, mais c'est de comprendre qu'il y a toujours une demande et que les conditions de vente de notre métier ont évolué. C'est là dessus qu'il faut travailler et je vous rassure, si vous êtes bon, vous pourrez payer votre appart et même une voiture.

Anonyme a dit…

je ne suis pas contre donner mes images gratuitement (et accessoirement les décennies d'experience qui vont avec). Mais à condition que ma baguette et mon loyer soit également gratuits

Le Monolecte a dit…

C'est quoi un forfait? Tu prends une commande et paf : tant de photos pour tel prix? Ce n'est pas nouveau.

Là, je tente de monter une expo qui pourrait être permanente. En gros, je fais un reportage sur un sujet qui "illustre" le client, je lui livre X clichés sur support physique et il se les garde pour décorer sa boite. Et paf, un forfait pour le tout.

Vous en pensez quoi de mon idée?

Anonyme a dit…

<<Comme 90% de mes collègues aujourd’hui qui vivent de la photo on fait des forfaits.<<

J'ai commencé à faire des forfaits en 1990 ;-))
Mais les forfait d'aujourd'hui ne permettent plus de travailler correctement.
Donner des photos, je l'ai toujours fait, mais il faut quand même des rentrées à la hauteur.
Le droit d'auteur je m'en fous un peu, je veux juste bosser dignement.

Pour l'internet, je rigole, faut pas oublier que ce truc a été mis en place par les vieux cons que nous sommes.

RLZ

Frozen Piglet a dit…

Pierre, tu serais pas un tout petit intoxiqué par le discours ambiant des fois ?

Tu crois qu'on t'as attendu pour faire des forfaits, filer des photos ? Tu crois qu'on est pas sur le net tout azimuts ? Tu crois qu'on en est encore à scanner des ektas ?

Tu crois vraiment qu'on a gagné 10 000€ par mois un jour ? Mais tu planes mon petit lapin !
les 3/4 des mecs qui demandent la carte de presse gagnent moins que le smic !

T'as du boulot ? Tant mieux pour toi.
Les jeunes que je croise sont plutôt préoccupés par le montant de l'APL qu'il vont toucher et quel boulot au black ils vont pourvoir faire.

Google fait 1,4 milliard d'euros rien que pour la France, pendant que les canards pour lesquels tu bosses sont sous respiration artificielle. Ça te parle ça ?

Pierre Morel a dit…

Je doute pas que oui les forfaits sont pas nouveaux mais j'ai tendance à voir dans chaque défense de notre profession un systématique recours au "une utilisation=un paiement précis".

Non je plane pas en disant que certains dans le photojournaliste gagnaient et gagnent encore 10 000/mois. Ce n'est pas un problème, tant mieux pour eux. Et il s'agit pas de tirer les gens vers le bas. Je sais bien que les nouvelles cartes de presse tournent en dessous du SMIC, moi le premier quand je l'ai eu. Mais je sais aussi que en parallèle plusieurs jeunes bien bons, qui se bougent et qui comprennent un peu comment ça marche aujourd'hui arrive à se dégager 3000 à 5000 euros/mois.

Alors oui ils sont pas nombreux mais il faut peut être accepter qu'à un moment y a plus de la place pour tout les photographes et que notre métier n'est pas quelque chose d'acquis, qui se devrait d'exister. envers et contre tous.

Je m'en fou que Google fasse du bénéfice de ouf, je sais que dans une certaine mesure il le fait avec une partie de ma production. Mais c'est la règle du jeu et notre génération est bien consciente d'avoir à composer avec ça. Mais dans le même temps, une fois que tu l'accepte, tu es à même d'en tirer le meilleur profit possible et de pas chercher à rester accrocher à un passé révolu.

Car c'est juste une question de pragmatisme, je suis bien d'accord et je partage le même constat que toi mais tu veux faire quoi à part râler? En appeler à l’État? A plus de régulation? Il n'a plus aucune force et marge de manœuvre par rapport aux usages numériques et sociaux d'aujourd'hui et par rapport à ces grands groupes.

A nous de créer petit à petit les conditions de notre survie en jouant habilement avec le numérique et les boites qui font de l'argent dessus, en acceptant la dimension sociale et extrêmement populaire de notre médium et en élaborant petit à petit des organisations/journaux/concepts qui permettent de trouver un modèle pour continuer à produire un peu de photojournalisme.



Frozen Piglet a dit…

Je reconnais bien là l'individualisme qui règne dans cette profession. Heureusement, ton dernier paragraphe me redonne un peu d'espoir en toi.
Mais ne fais pas trop le malin, il n'y a jamais rien d'acquis dans ce boulot et si le soleil brille aujourd'hui pour toi et tes copains, cela ne ne préjuge en rien de l'avenir proche. Très proche ...
Il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus !

Frozen Piglet a dit…

Quant à faire preuve de pragmatisme, moi je veux bien. Mais il n'y a plus de règles du jeu !

30 ans de métier a dit…

Tu vois Pierre, ce que tu dis, j'aurais pu le dire il y 20 ans (une paille) quand j'étais dans la force de l'age.
Malheureusement et comme chacun d'entre nous, la vie fait que maintenant à près de 50 ans je suis fatigué, j'ai perdu beaucoup d'allant.
La dérégulation complète, le non respect du CPI et de toutes les avancées que nos prédécesseurs avaient mis en place font que le monde d'aujourd'hui est bien plus casse-gueule que celui d'hier.
A 25 ans tu t'en fous complètement de tout ça, mais l'horloge tourne vite et prends garde de ne pas avoir de regrets quand à ton tour tu auras 50 ans et que tu te souviendras avec nostalgie du CPI, des droits d'auteurs, que tu n'auras peut-être pas défendus comme il aurait fallu.

Pierre Morel a dit…

Je précise continuellement quand on me demande si je vis de ce métier que je suis jeune, sans enfant, que c'est quelque chose que j'aime à fond, avec fraicheur. C'est important et vous le dites bien. Je me dit aussi que pour la génération avant moi ça doit être sacrément dur de voir tout foutre le camp et qu'à leur place j'aurais surement le même point de vue et les mêmes réactions.

En tout cas, oui à fond pour le collectif, j'ai milité à l'UPP, à Freelens, je me suis un peu éloigné ces deux dernières années mais je sais que les solutions passent par là et que ces organisations ont un besoin de jeunes photographes qui arrivent avec d'autres visions, usages et envies. J'ai été déçu par l'UPP et certains syndicats mais je sais en même temps que ces orgas sont pour nous et c'est à nous de nous en servir comme outil.

Au plaisir de s'y croiser prochainement ;).

Pierre



Frozen Piglet a dit…

Pierre

La fraicheur ne dure qu'un temps
Le temps que dure les roses
Profite en bien
Le temps du questionnement viendra (juste un peu) plus tard.

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