lundi 19 mai 2014

Ni Dieu, ni croquettes




L'autre jour, un jeune freluquet de 17 ans au moins est venu me voir avec un beau projet et un sourire acnéïque. Il voulait offrir à sa petite fiancée une séance de photos avec un vrai photographe professionnel (le photographe professionnel, c'était moi ... Ben ouais ... T'es con ou quoi ?). Alors que j'étais prêt à lui faire un méga prix d'ami, il a tout annulé après avoir divorcé avant que j'ai eu le temps de dire ouf et de lui fixer un rendez-vous avec sa greluche. Dingue non ? Faut s'y faire, l'amour dure 3 jours maintenant ... C'est comme-ça.


Aujourd'hui en filant à bouffer à mon chat je suis tombé sur "ça" (voir photo) et 17 ans, c'est justement l'âge de mon greffier. 17 ans à changer le plat du chat, t'imagines ?! Pendant longtemps, je l'ai photographié sous tous les angles et j'en ai jamais vendu une seule de photo. Pourtant cette petite saleté est passée un jour à la télé en prime time ! Pour revenir aux croquettes, vous avez remarqué ? C'est la séance qui est professionnelle (il parait que c'est Henri Gaud qui fait la prise de vues). Je me demande ce que ça veut dire exactement. 

Frozen Piglet

Plus je connais les hommes, plus j'aime les bêtes. 

vendredi 16 mai 2014

Hommage Low-Cost

Travailler sur l'information en produisant un contenu original semble devenu un luxe superflu pour nombre de professionnels de la presse. De ce point de vue, les sites d'informations (pure players ou pas) avancent en rangs serrés, comme l'avant-garde d'une armée de croquemorts piétinant tout sur son passage. En matière de photos et d'illustrations, tout est là à portée de la main. Il suffit de se servir, alors pourquoi se gêner ?
Un petit abonnement minimaliste à une agence filaire pour faire vaguement crédible et vive FlickR, Instagram et les captures d'écran tous azimuts réalisées par des sous-traitants. De même, pour le texte, le pompage généralisé sur le web, le plagiat et les dépêches d'agences permettent de faire semblant d'écrire, sur n'importe quel sujet, sans même se déplacer ou passer un coup de fil. Google et Wikipédia sont donc devenus les meilleurs amis des rédacteurs qui chient de l'info "low-fi" pour 1 300 euros bruts ou des stagiaires dociles payé une poignée de riz et un coup de pied dans le cul. Mais ce n'est pas suffisant, certains sites n'hésitent pas à se vautrer dans la fange comme le site "LePoint.fr" qui vient de publier un "Hommage low-cost" à Camille Lepage illustré de captures d'écran de ses photos (Soudan et Centrafrique) créditées 6Médias (ex-Sipa Press), ©Facebook et ©Instagram. Le texte non signé qui les accompagne n'est qu'une reprise de plus de tout ce qui est paru sur le sujet partout. Mais quelle honte ! Ces gens n'ont donc aucune morale pour piétiner le travail des disparus en s'affranchissant de toutes les obligations ? Les amis et collègues de Camille Lepage ont protesté auprès de la direction de la rédaction du Point, mais c'est trop tard, le mal est fait et cette attitude marquera une époque où les minables sont aux commandes (la page du Point.fr a été retirée depuis, un peu comme par un enfant qui écrase son château de sable de rage, à coups de pied).

Frozen Piglet

J'ai vu que la Fédération Internationale des Journalistes et le Syndicat National des Journalistes appellent à rendre un hommage à Camille Lepage le 19 mai à 12h00, promenade du bout du Monde à Angers (ville dont elle est originaire).
J'ai 2 observations à faire aux sujets des organisations syndicales:
1/ les photo-journalistes sont massivement absents des syndicats de journalistes. Ceci pour différentes raisons, mais la principale est qu'il suffit de se présenter à une élection dans un syndicat avec la mention "photo-journaliste" à coté de son nom, pour être battu à plate couture. Cherchez l'erreur.
2/ De façon générale, les journalistes ont une responsabilité historique dans le traitement réservé aux photo-journalistes dans les rédactions. Ce sont-eux qui ont laissé ce métier tomber dans la précarité et regardé les photographes se faire essorer sans lever le petit doigt ou en participant au massacre de façon active. Ils en crèveront ...
C'est bien d'aller aux enterrements, ça permet de rester digne et ça donne le sentiment du devoir accompli.
  

jeudi 15 mai 2014

Mourir à 26 ans

Hier, j'ai entendu la mère de Camille Lepage, la photojournaliste tuée en Centrafrique, intervenir à la radio à propos de la disparition de sa fille. Malgré sa douleur qui doit être immense, cette femme était à la fois d'une dignité incommensurable et d'une extrême lucidité qui forcent le respect. Le nom de Camille Lepage vient s'ajouter à la liste des journalistes disparus en Egypte, en Syrie, en Libye, au Mali, en Centrafrique, dans des guerres civiles politico-religieuses qui éclatent partout dans le monde, comme une malédiction. À chaque fois c'est un drame terrible pour la famille, les amis, les proches et les collègues de travail. Outre leur courage et leur intrépidité de voltigeurs, ces journalistes ont souvent un point en commun: la précarité de leur situation professionnelle qui les poussent parfois à prendre des risques démesurés. Comment expliquer qu'alors qu'ils sont publiés par des titres de presse très connus et prestigieux (on le découvre souvent après leur disparition), ils soient obligés de s'autofinancer en permanence et de partir sans garantie, ni couverture, ni protection ?
On voit ainsi de très jeunes et talentueux photographes disparaitre brutalement comme des étoiles filantes, sans que les journalistes plus expérimentés soient d'ailleurs beaucoup plus à l'abriHeureusement la presse française, parfaitement hypocrite dans son ensemble, est toujours là pour leur tresser des couronnes posthumes et dire que c'est la faute à ... "pas de chance" (un titre en particulier, je ne citerais pas de nom, tout le monde verra de qui je veux parler, va probablement publier les photos de C. Lepage rapidement). Le reste du temps, cette même presse s'interroge plutôt sur le fait de savoir comment elle peut éviter de payer les photos et de payer tout court en s'attribuant toujours le beau rôle (vous savez bien qu'il faut défendre le droit à l'information). Je vous invite à lire à ce sujet le texte instructif de Jacques-Marie Bourget publié par le site ACRIMED où il explique que pour les éditeurs de presse, un journaliste mort est un bon journaliste. 

Frozen Piglet

Voir le travail de Camille Lepage

Lire un article sur Le Progrès.fr sur les photographes de guerre qui gagnent déjà le "Smic intermédiaire" si cher à Pierre Gattaz.





lundi 12 mai 2014

Slow Motion

Ça devait bien arriver un jour, le Rédac-Chef d'un magazine auquel je collabore régulièrement (Il y a encore des personnes qui ont du goût) me demande de réaliser en plus des vidéos. Bon en fait, la véritable question qu'il se pose, c'est pourquoi il irait payer un tocard pour faire des petits films, alors qu'il en a déjà un sur place qui fait des photos. Si ça se trouve, je suis peut-être l'arrière petit neveu d'un cousin par alliance d'un oncle de Francis Ford Coppola !
Tout ça pour dire que bien entendu, le mec veut juste payer presque des clous pour faire le taf et moi, j'ai pas vraiment le choix vu que si c'est pas moi, ce sera un autre qui le fera. Dommage parce que tant qu'à être le nouveau Jean-Luc Godard, je préférerais autant être payé comme-lui. Me voilà donc réduit à ce que je redoutais le plus: un simple robinet à photos, textes et images. Je me demande si je ne vais pas écrire des chansons aussi.

Frozen Piglet

lundi 5 mai 2014

Gone with the wind

Dans tous les métiers de la création, on en chie aujourd'hui comme des russes au Congo. Bien sûr ! En période de crise, tout le monde s'en tape de tous ces trucs de culture et d'information inutiles et des fois, on finit même par brûler les livres. En France y'a quand même les artistes intermittents qui s'en sortent mieux que les autres. Si ! Je les vois souvent le matin à la terrasse des cafés de mon quartier, en train de lire le journal et siroter un petit noir. "Artistes je sais pas ... Mais intermittents, ça c'est sûr !" qu'elle me fait ma crémière en les considérant d'un oeil noir. Moi je m'en fous parce ils seront tous excommuniés et enterrés en terre non consacrée. Comme-ça, ils brûleront en enfer pour l'éternité. Mais en secret, je les envie un peu. Je parle uniquement de ceux qui ont leur quota d'heures hein? Ben ouais ! T'es fou ou quoi ?
Pendant ce temps, les photographes (enfin ceux qui sont encore là) claquent du bec, il faut bien qu'ils bouffent et qu'ils payent leur loyer eux-aussi, sans compter le matériel. C'est dommage parce que ce sont avant tout des rêveurs et des artistes à leur façon. Ils veulent faire des photos de mode en Afghanistan ou à Fukushima, être otages en Auvergne ou photographier des majorettes. Le rêve, ça n'a pas de prix et là, la vie quotidienne les rattrape et elle se rappelle sans cesse à leur bon souvenir à travers ses vicissitudes.
C'est bien gentil de sauter dans un avion avec 2 boitiers quand t'es un jeune freluquet imberbe pour vendre un double à Paris-Match, mais à partir d'un moment, il faut commencer à réfléchir un peu, sauf si tu veux te retrouver tout seul à 50 balais dans une chambre de bonne (avec les chiottes sur le palier), en te demandant où est-ce que t'as merdé. Bon en même temps, tu peux être Stanley Greene ... ou pas, ou même mourir bien avant.
Alors bien sûr, les compromis, on sait où ça mène. Surtout dans un monde ou on te dit en permanence que la première qualité d'une image, c'est sa gratuité, comme un crachat en plein visage. Globalement, ça t'amène à exercer ton immense talent dans des boulots où tu te fais chier comme un rat mort, mais où t'es payé. En période de crise, cela risque même fort de devenir ton seul critère d'acceptation. Ça c'est ce que tu fais si tu veux vivre de ton métier et ne pas devenir allocataire, sponsorisé, pistonné ... ou même en préparation d'une "exposition" que personne en verra jamais.
Résultat tu finis dans le troupeau des anonymes en gagnant la plupart du temps maigrement ta vie. Alors tu veux toujours être photographe mon petit gars ?

Frozen Piglet

Victime de la Mode

La semaine dernière, j'ai été contacté par le service marketing d'une entreprise française de luxe. Une proposition très intéressante, puisqu'il s'agissait de réaliser une série de 80 photos pour une exposition à Pékin annonçant l'ouverture d'un nouveau magasin en Chine Pop. Je devais pour cela photographier une vingtaine de jeunes personnes au sourire avenant dans les rues de Paris.  
Et c'est moi Frozen Piglet que cette grande marque de prestige avait choisi pour réaliser ce boulot (Ils avaient sans doute remarqué mon travail frôlant la perfection. Ben ouais t'es fou ?). De mes échanges avec la responsable de ce superbe projet, j'ai compris qu'on comptait sur moi pour trouver 20 personnes sélectionnées sur des critères vestimentaires, esthétiques et capillaires dans les rues de la capitale (rien que des top modèles quoi). Ces jeunes naïades au corps de sylphides devaient en outre porter fièrement des accessoires de mode, fabriqués par cette marque de luxe renommée qui souhaitait obtenir 20 séries de 4 photos en tirage expo pour les envoyer en Chine (Par laquelle le fakir est arrivé à pieds, comme chacun le sait). Super ! 
"Dans l'idéal, il me faudrait les tofs pour dans 15 jours
qu'elle m'a fait la greluche qui se présentait comme directrice du marketing.
"Ouais ... que j'ai dit en crachant par terre et c'est combien que t'as prévu de budget pour ton truc ma petite ? Moi dans l'idéal, il me faudrait 15 000 euros ... d'avance. Là je plante tous mes trucs en cours et je te le fais ton boulot "
que je lui ai écrit au bout du 10ème mail de tournage autour du pot.
En bien croyez-le ou pas, je n'ai plus jamais eu de nouvelle de cette petite salope (de luxe). Je me demande si j'aurais pas dû lui proposer de me payer en bitcoins pour aller faire mes courses chez Monoprix. C'est bien moi ça. On me parle d'art et je salis tout avec des histoires d'argent ... Mais quel idiot je fais ! Décidément on se comprendra jamais avec tous ces petites connasses diplômées d'écoles de commerce. 

Frozen Piglet


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