vendredi 28 avril 2017

La complainte du progrès

Après une longue absence, je reviens  doucement sur mon gentil petit blog. À vrai dire, il m'a beaucoup manqué. Je dois être le dernier à le lire (vous savez bien que je suis schizophrène, c'est pratique), surtout les trucs que j'écrivais il y a 3 ou 5 ans. Des fois, ça me fait marrer. Mais aujourd'hui, c'est parce que je dois travailler 2 fois plus pour gagner 2 fois moins que je ne trouve plus le temps de poster. Dommage, parce que j'aime bien décrire les absurdités de ce métier et me foutre de la gueule du monde en général. En fait, je crois que ce début de siècle restera marqué pour toujours et partout par le "sacre des amateurs". Ça tombe bien, je suis autodidacte (d'ailleurs ce mot je l'ai appris tout seul). Moi ma petite révolution culturelle personnelle, je l'ai déjà opérée il y a longtemps. Pas sur les conseils des têtes de noeud qui prétendent commenter le changement de paradigme d'un monde auquel ils ne comprennent rien, ou selon les théories de l'évolution du travail des sociologues du dimanche, mais juste par réalisme pragmatique et économique aussi. Hein ? Bah ouais t'es con ou quoi ? 


Mon plus beau coup de l'année 2017 qui vient à peine de commencer restera sans aucun doute une prise de vues sans photos, mais avec un selfie à 6000 euros pour immortaliser mon licenciement d'une collaboration régulière vieille de 7 ans avec un groupe de presse défunt. Non je déconne.  Mais le vrai saut dans l'inconnu pour moi, cela a été le passage à la rédaction d'articles il y a plusieurs années déjà. Un changement dont je me suis parfaitement accommodé (même si au début j'en ai chié comme un russe au Congo) à tel point qu'elle représente aujourd'hui les 2/3 de mon activité tellement j'chuis doué.
Tout ceci s'est déroulé en même temps que le feu de paille du web et des réseaux sociaux. Un feu violent qui m'a tout de même procuré de belles satisfactions en me permettant de vendre des photos aux USA et en Corée du Sud, au Japon et en chine, en Italie et en Allemagne, en Espagne et en Russie. Depuis, la source s'est tarie grâce aux petits minables qui donnent leurs mauvaises photos pour de mauvaises raisons à des gens qui les acceptent à une seule condition, celle de ne rien payer. Alors bien sûr j'ai encore quelques collaborations de photographe avec des titres de presse, mais elles sont forcément sous tension compte tenu de mes rapports assez merdiques avec des petits chefaillons qui prétendent (ré)utiliser mes photos ou même les filer à leurs copains sans rien payer. Le corporate, j'ai arrêté il y a 2 ans après avoir travaillé pour les grandes agences de communication et aussi une foultitude de petites qui ont fini au tribunal de commerce pour la plupart. Rien de bien intéressant à attendre dorénavant.
Du côté des agences, ce n'est guère mieux. J'ai signé il y a un peu plus d'un an dans 2 agences. Une anglaise worldwide très grosse orientée news et illustration et une agence française qui fout à la poubelle les 2 tiers de ce que je lui envoie. 12 mois après, j'ai 3000 photos en ligne, quand il m'en faudrait 30 000 pour dégager un revenu significatif. Grosse différence avec "avant", c'est aujourd'hui le photographe qui supporte l'indexation (mots clés, légendes) au nom du transfert de la charge de travail sans contrepartie. Mais surtout, il supporte seul l'intégralité de la responsabilité en cas de recours (droit à l'image ou autre problème lié à la propriété) avec des contrats abscons qui changent tout le temps et qui sont rédigés en anglais. Incroyable quand on voit les prix pratiqués et la part photographe qui varie entre 50 et 30% en fonction des circuits et de la présence d'intermédiaires inutiles. Les tarifs pratiqués sont souvent de 25 à 35 US Dollars avec une moyenne tirée vers le bas par des offres promotionnelles et des bundles (des procédés de merde empruntés aux connards des banques d'images à 1 euro et aux chinois). Alors bien sûr il y a des ventes à 100 US Dollars, mais elles sont rares et celles à 1000 US Dollars encore plus rares. Après cela, il y a des jeunes professionnels qui pensent que tout va bien parce qu'ils ont vendu 3 reportages à Télérama et qu'il ont 5 pages dans le magazine de la fédération du BTP. Les pauvres, s'ils savaient ce qui les attend ... Je vous le dis, en dehors d'un immense talent, la première qualité du photo-journaliste, c'est de durer et pour une toute petite partie d'entre-eux d'éviter si possible de se faire tuer. Voilà un petit tour d'horizon du métier aujourd'hui et croyez-moi, c'est pas facile, surtout quand on a connu des temps meilleurs.
Vous remarquerez que je ne vous parle pas des élections. Parce que j'en ai rien à foutre de savoir pour qui vous votez d'une part. Et parce que vous-même n'en avez rien à foutre de savoir pour qui je vote d'autre part. Comme je vous comprend. Rappelez-vous que dans ce monde ou seul le profit compte, seuls les plus imaginatifs survivront. Pas nécessairement les plus talentueux.

Frozen Piglet

Juste un petit conseil: avant de voter pour un candidat, demandez-vous toujours si vous lui achèteriez une voiture d'occasion

Gif animé par le Tampographe Sardon (j'adore son travail), pardon pour l'emprunt !

























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