vendredi 21 octobre 2011

Juge (et) assassin

PARIS, 21 oct 2011 (AFP) - Une photographie n'est pas nécessairement, selon la justice, une oeuvre originale qui génèrerait des droits d'auteur. Toute photo ne permet donc pas à son auteur d'engager une procédure en contrefaçon en cas de reproduction sans autorisation, a dit la Cour de cassation.

Si la photo ne révèle pas de recherche esthétique, il s'agit seulement d'un travail révélant un savoir-faire et non d'une "oeuvre de l'esprit", explique la Cour, en ajoutant que les juges sont souverains pour apprécier s'il s'agit de l'un ou de l'autre. Un photographe, qui se plaignait d'avoir retrouvé son travail dans un magazine a été débouté car les juges ont considéré que ce n'était pas une "oeuvre de l'esprit". Alors que le photographe décrivait longuement sa photo comme représentant deux galinettes disposées et éclairées avec recherche dans une assiette aux couleurs choisies pour évoquer la cuisine marseillaise, les juges n'ont vu que "deux poissons dans une assiette provençale

". Ils ont conclu qu'il n'y avait qu'un travail technique, ce qui ne permettait pas à l'auteur de s'opposer à une diffusion au nom d'un droit d'auteur.
(Cass. Civ 1, 20.10.2011, N° 995).
or/ez/abx

Un brillant message "de l'esprit" des juges adressé aux diffuseurs: "Vous pouvez continuer à voler les photos sans aucune crainte les gars ! On est avec vous !! On condamnera sans pitié les photographes qui ne demandent que le respect de leurs droits, ce sont juste des presse boutons sans cervelle et leurs photos ne sont qu'une pitoyable tentative de reproduction de la réalité". 
Dorénavant, ce sont les magistrats qui décident de ce qui est beau et de ce qui ne l'est pas. On vit dans un pays vraiment formidable. Je leur propose donc de raser l'Opéra Bastille le plus rapidement possible ... pour commencer.

Frozen Piglet

Esthétique: qui a rapport à la perception de la beauté, au sentiment qu'elle fait naître.
Pour ceux qui veulent aller plus loin, cet article expose les enjeux selon un point de vue juridique "ici"

35 commentaires:

  1. Eh oui, le saviez-vous ? Les poivrons et autres légumes photographiés par Edward Weston sont juste des photos de légumes et ne relèvent pas d'oeuvres de l'esprit... Cette distinction ne devrait guère s'appliquer qu'aux reproductions d'objets en deux dimensions (typiquement une photo de tableau à fin d'illustration, ou une reproduction de document), la décision des juges est ici un abus caractérisé, particulièrement scandaleux.

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  2. En plus si j'ai bien compris c'est en cassation.
    Pas bonne du tout cette nouvelle. :-/
    bd

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  3. Je vais finir par être gagné par le pessimisme qui règne dans le monde de la photographie !!!

    RLZ

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  4. Un jour t'auras plus de Chablis
    et ce sera bien fait !

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  5. Quel rapport avec le Chablis ?
    Tu crois que les Juges vont tout boire, ou qu'ils ont déjà tout bu, d'où ce type de verdict ?

    RLZ

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  6. La photographie, c'est comme de la cuisine : tout le monde peux faire "deux poissons dans une assiette provençale"… Dans les deux cas, il y a ceux qui font çà bien et les autres.

    La différence, c'est qu'en cuisine, celui qui fait çà bien, il est reconnu, a une étoile au Micheline et même un Juge de Cassation décèlera une différence par rapport aux "deux poissons dans une assiette provençale" de chez Fluch (et d'ailleurs il recommandera à ces amis celui qui le fait bien, et pas le Fluch).
    Alors qu'en photographie, ben t'es qu'un con casses-toi, je fait pareil avec mon aPhone (crevard)…

    En attendant, j'aurai bien aimé lire les arguments dans l'arrêt de Cassation, mais il n'est pas en ligne : http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/

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  7. on t'enverra du Muscadet, mais c'est pas pareil...

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  8. J'ai encore du Chablis pour un moment....
    Et on en produit tous les ans.

    RLZ

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  9. Ca fait comme qui dirait penser aux Nazis avec l'art dégénéré.

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  10. Technicien de Surface Sensible.
    Enfin, j'ai lu ce matin l'itv de Psaila qui disait qu'Abaca se portait au mieux. On est sauvés.

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  11. j'ai du mal à croire cet article. Comment un juge peut dire ceci !

    à moins d'être totalement insensible à l'art ou d'avoir reçu une enveloppe sous la table ...

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  12. On est mal, on est mal !

    ceci dit j'aimerai bien savoir comment le magazine c'est retrouvé en possession de la photo, j'imagine qu'il leur fallait un fichier haute def !

    Anthony

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  13. Je trouve qu'il ne faudrait pas mélanger l'Art (le grand Art) et des productions pour la presse magazine.
    La photographie est très souvent une œuvre de l'esprit, mais ce n'est de l'art que quand il y a une volonté propre et farouche de produire de l'art et non une simple prod pour gagner sa vie.

    Je ne comprends pas bien ce jugement, et j'aimerais bien savoir ce que ce juge estime etre une œuvre de l'esprit ?

    RLZ

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  14. Mais qu'en est-il de la reconnaissance du travail, et donc du métier du photographe ? N'est-il passé devant la cour de cassation que pour la question du droit d'auteur ?

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  15. Dans ce cas, la notion de droits d'auteur n'est invoquée que pour envisager une rétribution en contrepartie de son travail, Coq !

    D'ailleurs, on ne connait même pas les circonstances de ce vol d'image.

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  16. C'est pour moi une histoire de payement de droits d'auteur.

    Pour l'histoire de : la reconnaissance du travail.

    Là je suis "mort de rire", vous voulez des médailles ;-))))
    On fait un boulot les gars, ne vous montez pas le bourrichon, c'est juste un boulot futile, qu'il faut faire le mieux possible, mais de là à demander de la reconnaissance, non c'est franchement absurde, non je déconne, oui ok pour la reconnaissance, mais pas plus que pour un boulanger.

    RLZ

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  17. Bien sûr ! Les deux relèvent d'un travail artisanal. Pas de problème pour moi.

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  18. La différence est ténue en effet, entre une oeuvre de l'esprit et un boulot alimentaire, illustratif. En terme de résultat en tout cas. Une photo de poivron par Weston (ou de petits pois par Penn) est une oeuvre de l'esprit quand on la reconsidère par rapport à l'époque où elle a été conçue. Il y avait clairement une intention artistique, une nouveauté dans l'approche (chez Penn notamment). Tapez "poivrons" ou "fraises" sur Google Images, vous allez voir des milliers de photos de poivrons, ou de fraises, qui ne sont pas exactement des "oeuvres de l'esprit" dans la mesure où elles se ressemblent beaucoup, ne font pas preuve de "nouveauté" esthétique particulière (je reconnais que c'est de plus en plus difficile, mathématiquement, de faire "nouveau" dans une image à deux dimensions). Maintenant si un gusse sculpte une fraise de deux mètres de haut, et la place au somment de l'obélisque de la concorde, ce sera une oeuvre unique "de l'esprit". C'est une question d'appréciation. Le droit d'auteur n'est plus ce qu'il était, à l'heure où l'on prend des millions de photographies en l'espace d'une seconde. Faut faire du spécial, de l'inédit, si on se dit "auteur" au sens de la loi. Je trouve ça, hélas, normal.

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  19. Bon, alors, d'abord, j'ai lu, j'ai poussé les hauts cris, j'ai partagé. C'est là qu'une amie juriste a justement fait remarquer qu'on ne trouvait nulle trace de cet arrêt sur le site de la Cour de Cassation, et que les arrêts rendus le 20 octobre (qui sont déjà publiés) portent les numéros 974 et 975 (ici on parle d'un arrêt n°995) et n'ont aucun rapport avec cette affaire... Quelles sont vos sources, donc ?

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  20. la source est indiquée. C'est une dépêche de l'AFP

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  21. http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hOm4OHG6UsJtYZyilbU9YgWXxjiQ?docId=CNG.1812453c1ca2448af94a8d2229b63380.1d1

    voici

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  22. http://intranet.paris.msf.org/apps/afp.nsf/dx/BA4E38DB0DF7115EC1257930002EC143

    ou encore ici
    mais en effet je ne trouve pas le texte original sur le site de la C de cassation

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  23. Cet article sur le site de Maitre Anthony Bem nous éclaire un peu plus sur la question:

    http://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/protection-photographies-droit-auteur-question-6453.htm

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  24. http://culturevisuelle.org/viesociale/3458

    peste soit des amateurs ;-))

    RLZ

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  25. C'est passionnant ces articles de Sylvain Maresca effectivement.

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  26. On n'a pas à discuter une décision de justice sinon ce serait remettre en cause l'indépendance de la justice!nous dit-on.
    C'est comme on a pas à discuter les méthodes des journalistes parce que la liberté de la presse en dépend ! Donc là on a un "combo":
    c'est une institution indépendante et sans contre-pouvoir qui dédouane une profession qui n'a pas de contre-pouvoir non plus.
    Sous une tournure un peu provocante je tiens à souligner le fait, que la presse télévisuelle n'a pas à payer les droits d'auteurs des musiques qu'elle utilise, pour illustrer ses reportages, du moment que c'est pour de l'info et dans cette période où tout le monde crie:"au piratage" ça ne manque pas d'ironie.
    Je me pose aussi la question du conflit d’intérêt qu'il existe dans une décision prononcé qui va dans le sens de la seule institution qui fait trembler la justice ?
    Pour conclure je souhaite aussi rappeler que les droits d'auteurs n'ont pas été inventer pour déterminer si une production est de l'art ou n'en est pas, mais pour garantir les droits de propriété de l'auteur de cette production.

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  27. Attention,
    Dans le jugement en ligne qui fait l'objet de ce fil,
    Le juge ne parle pas de droits d'auteur,
    Mais d'œuvre d'art,
    Ce sont des problèmes très différents.

    RLZ

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  28. Juste un retour sur cette décision de cours de cass.

    En fait le Gag est différent. Un ami juriste a eu qq infos.

    Un photographe A photographie une assiette a bord jaune avec 2 poissons et ne vend pas l'image.

    Un photographe B photographie une assiette à bord jaune avec 3 poissons et vend l'image à un magazine.

    Le photographe A porte plainte contre le photographe B, et perd en Cass car la cour dit que l'on ne peut pas protéger l'idée de photographier des poissons dans une assiette à bord jaune.

    Conclusion : quel qualificatif faut-il donner au photographe ?

    RLZ

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  29. Non !
    Toute l'histoire est expliquée en détails sur l'excellent blog "Droit et photographie"

    http://droit-et-photographie.over-blog.com/article-originalite-bouillabaisse-et-contrefa-on-87434041.html

    il y a même les photos et le nom du photographe

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  30. Ok, internet c'est magique,
    Merci de l'info,
    Et le service com de Marseille,
    C'est pas vraiment des flèches ;-))

    RLZ

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  31. Alors on l'a retrouvé cet arrêt ou tel l'arlésienne on se ballade dans la rumeur urbaine ?
    Mine de rien le sujet est d'importance.

    Bravo pour le style de ce blog cela fait du bien à lire (découvert via Rio Bravo)

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  32. Drôle d'histoire qui ressemble plus à un prétexte pour régler une querelle de dépit à la Marseillaise.
    A t on remis la main au fait sur l’arrêt de la cour de cassation ?

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  33. Drôle d'histoire qui ressemble plus à un prétexte pour régler une querelle de dépit à la Marseillaise.
    A t on remis la main au fait sur l’arrêt de la cour de cassation ?

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  34. Chiens, chats , hamsters , poissons, perroquets - Qui préférez-vous ? Ou peut-être ce que les animaux sans fond - serpents , crocodiles, lézards , des singes ?

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  35. "Ce sont les juges qui décident de ce qui est beau"...
    Bien sûr, cela vous révolte. Pourtant, les juges disposent de ce pouvoir divin de décider aussi de ce qui est juste ou pas à tous les niveaux d'une procédure. Par exemple, si des experts psychiatres se contredisent, le juge tranchera sur celui qui a raison. Ce sont donc les juges qui décident aussi de la vérité scientifique, et pas un Conseil de l'Ordre des Médecins. Le fait est que la justice a toujours, et de plus en plus alors qu'elle est censée être rendue au nom du peuple, révolté par ses décisions imbéciles.
    Pardon de venir faire ici ma pub, mais j'en ai fait un livre exutoire, que j'ai la prétention de trouver beau, et qui donc me vaudra peut-être condamnation pour blasphème :

    http://festin-de-haines.e-monsite.com

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