mardi 15 octobre 2024

Tu veux ma photo ?




Le plus dur dans ce métier aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain, c'est sûrement de débuter, puis d'arriver à sauter le pas et devenir professionnel en vendant son travail à des gens qui pour une large part, ne comprennent plus pourquoi ils devraient payer, vu que selon eux, n'importe qui peut faire des photos avec son téléphone. Bah, dans ce cas, fais les toi-même tes photos connard ! (je dis connard de façon générique car il y a nombre de connasses aussi).

Une autre difficulté et pas la moindre, est de durer, durer dans le temps en tentant de gagner sa vie juste correctement, pour ne pas vivre aux crochets de sa famille, de son conjoint ou de ses amis ou de sa grand-mère ou des Assédics, en se prenant pour un artiste plus ou moins maudit. C'est ce que la majorité des jeunes gens qui se mesurent au métiers de l'image ont du mal à s'enfoncer dans la crâne. 

Certains ont la chance (je ne sais pas si s'en est une) de jouir de certaines relations dans certains milieux, de papa, maman, ou encore d'un nom célèbre ou bien de ne pas avoir besoin de travailler pour vivre une vie d'artiste confortable. Grand bien leur fasse ...

En ce qui me concerne, j'ai toujours décidé une fois pour toute que je ne continuerais pas si je n'arrivais pas à gagner ma vie et je m'y suis tenu jusqu'à aujourd'hui. Seule petite entorse à cette promesse, je suis passé à la rédaction pour produire des sujets textes et photos il y a une dizaine d'années au moins, parce que j'avais la capacité de le faire. Faute de quoi, mes revenus seraient devenus trop faibles pour continuer sur cette voie et j'aurais changé de métier. Cela m'a aussi donné la possibilité de maitriser mon sujet images et texte de A à Z sans l'aide de personne et surtout pas celle d'un ou d'une rédactrice qui se la pète, en prenant les photographes pour des presse boutons. Dans ce cadre, j'ai pu mesurer de près la différence de traitement par mes interlocuteurs, selon le statut perçu de journaliste ou bien celui de photographe de presse. Et le regard de travers des rédacteurs qui voyaient un photographe écrire, vu qu'ils nous prennent en bloc pour des illettrés.  

Une autre difficulté, c'est d'arriver à financer l'achat, le renouvellement et l'amortissement de son matériel, pas juste pour rester au top de ses possibilités, mais parce que le matos s'use vite quand il est utilisé de façon intensive, dans des conditions parfois limites. Ceci sans compter qu'il faut avoir 2 appareils gamme professionnelle identiques (de préférence), pas pour faire le malin, mais pour avoir un  back-up quand il t'arrive une tuile en plein milieu d'un boulot. Parce que en vertu de la loi de Murphy, il faut que tu saches que c'est TOUJOURS quand tu bosses sur un truc ultra important que ça va t'arriver. Et si ça ne PEUT pas arriver, ça arrivera quand même, au moment le plus inattendu et le plus chiant pour toi ... Ben ouais, t'es con ou quoi ?! Sinon ce serait pas drôle.

En la matière, tout peut se produire, panne, vol, agression ... Ou même oubli d'une partie du matos pur et simple chez toi, dans un train ou dans une voiture. C'est pourquoi il faut toujours préparer ton sac la veille et re-checker avant de partir, en plus de prendre des cours de karaté. Mon matériel ne me quitte jamais en reportage y compris pendant les déjeuners quand le boulot est fini. Je ne le laisse jamais même dans un coffre de voiture même fermé, même dans un bureau fermé à clé ou tout autre endroit où je ne peux pas l'avoir sous les yeux en permanence. Ça c'est l'expérience qui parle.

Oui, oui oui oui, mais tout cela, ce serait bien trop simple si ça suffisait. 

Parce que ensuite, il y a le rêve et la réalité. Si j'ai assez longtemps travaillé pour des magazines qu'on trouve en kiosque. Aujourd'hui, je ne boxe plus dans la même catégorie et si je gagne encore assez correctement ma vie, les années fastes ne sont plus qu'un souvenir sauf exception. Bien sûr, j'ai eu une belle image dans le NewYork Times et une belle double dans Newsweek, plusieurs dans le Wall Street Journal ou New York Magazine et plein d'autres parutions au Japon, en Corée (Du Sud hein ? Mais du Nord, j'aurais adoré !), en Espagne, en Allemagne, en Italie, aux USA, en Russie et même en France ! Mais, aujourd'hui, je ne suis même pas au courant des parutions pour les photos vendues par l'intermédiaire des agences photos et de leurs accords de diffusion croisée. Ne pas voir le résultat de ton travail, c'est tout de même assez frustrant.  

Un jour, tout cela sera fini, mais je continuerai à faire des photos quoi qu'il arrive jusqu'à la fin du monde.

Alors ? Tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet 

 

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