jeudi 31 octobre 2024

Fuck me, I am Famous !



Il faut se rendre à l'évidence, sur 2000 mecs et greluches se déclarant photographes, il y en a à peine 200 qui s'en sortent aujourd'hui du point de vue financier (*). Il y en a 20 qui sont un peu connus et un seul sur 40 ou 50 000 qui est une petite star. Ne parlons même pas des 200 000 qui "se prennent pour" et qui grattent à la porte. Ils ne trouverons pour la plupart jamais l'entrée par manque de talent, de démarche opportuniste, d'originalité et surtout par manque de courage, de travail et de volonté. Encore faut-il ajouter que le talent ne suffit pas, il faut aussi gérer parfaitement le relationnel et la négociation. Sans compter qu'il faut se lever tôt le matin et ne pas compter ses heures. T'as compris espèce de feignasse ?

Ne parlons même pas de l'origine sociale ou du fait de porter un nom célèbre, ce qui rend soudain une production tout à fait insipide digne du plus grand intérêt pour des tas de personnes. C'est d'ailleurs le cas de nombreuses professions relevant du secteur artistique où pullulent les usurpateurs et les fils-filles de : acteurs, chanteurs, peintres, écrivains, romanciers, journalistes et photographes, créateurs de tout poil. La lutte des classes existe bel et bien et elle s'exerce dans de nombreux domaines. Pourquoi faut-il que les rejetons emboitent le pas de papa maman alors que tout pousse au contraire chez tout individu normalement constitué ? Eh bien je vais vous le dire, c'est la facilité ... et la reproduction du modèle social, tout comme une forme de népotisme (Si tu sais pas ce que ça veut dire, regarde dans le dictionnaire). 

Le truc, c'est que si tu n'es pas capable, même quand tu débutes comme photographe, de payer ton loyer, de payer ton matos et de te payer à bouffer, de nourrir ton chat au bout de 3-4 ans d'activité sans trop de difficultés (quitte à avoir un boulot alimentaire à côté), alors que t'es illettré et titulaire d'un master 2, c'est qu'il vaut peut-être mieux envisager une carrière de dilettante, d'assisté(e) ou de fonctionnaire territorial, car tu n'es pas photographe professionnel. Mais en la matière, tout est aussi souvent une question de timing, de circonstances et de tendances, souvent passagères. Quand le train passe, il faut sauter dedans, sauf si on veut le regarder défiler en restant à quai avec son petit Canon autour du cou. Si ils ont des Canons ces mecs-là ! Si je te dis !! Ta gueule d'abord !

Quand je vois le nombre de jeunes gens que je croise qui se disent photographes, je rigole. Et quand je lis leurs échanges surréalistes et truffés de fautes d'orthographe, sur leurs problèmes de rédaction de cession de droits sur les listes de discussions Facebook, j'éclate de rire. Des vrais petits réactionnaires diplômés ... Alors qu'ils votent LFI. Ils ne feront pas long feu. Mais l'ennui, c'est que lorsqu'il y en a un qui disparait dans les nuées, 100 autres prennent sa place avec leur sac à dos bourré d'illusions et d'idées reçues. 

On ne peut pas aborder ce vaste sujet sans faire mention des petites merdes qui avancent masquées, en se servant de la photographie comme d'un paravent pour assouvir de façon pas du tout accessoire leur perversité. Leur cible privilégiée, l'armada de pauvres connes qui tortillent du cul sur Instagram et plus récemment sur "Threads" (ou encore OnlyFans) en déclarant qu'elles cherchent des photographes pour des "collabs" en tant que mannequin (chez Olida) maquillées comme des putes. Ça tombe bien les mecs qui vont les contacter sont tous photographes de mode et directeurs artistiques, mais avec des gueules de dealer et des comptes à 100k de followers achetés en Chine. J'en connais 2-3 de cet acabit, qui ont eu des réveils difficiles et qui n'ont pas intérêt à se pointer de nouveau, là où ils sont carbonisés et attendus avec impatience pour des retrouvailles très animées.

Je comprends que ça devient difficile de se retrouver dans ce fatras, pour les gens à la recherche de professionnels. Les professionnels, les vrais, moi je les reconnais tout de suite, rien qu'à leur dégaine et leur façon d'opérer. Mais ils sont les victimes de ce bordel initié par le numérique, les réseaux sociaux, l'Intelligence Artificielle, la connerie en liberté et les disques durs qui pètent sans prévenir. Le plus compliqué, c'est de se projeter du point de vue professionnel sans savoir de quoi l'avenir sera fait puisque par définition et sauf exception, les collaborations régulières sont l'exception. Aujourd'hui, si je ne peux pas assurer une prise de vues, je ne sais même pas à qui m'adresser pour me remplacer.

Il faut se rendre à l'évidence, ce monde a totalement perdu la boule et l'avenir s'annonce très sombre. J'ai moi-même commencé à faire des réserves de riz et de pâtes et j'ai acheté un I-Phone 15 que je n' arrive pas à synchroniser totalement avec l'ancien d'I-Phone. Je n'arrive pas non plus à me décider entre acheter un Z9 et ses optiques ou acheter un D6 d'occasion (en plus de mes deux D5) et garder ma trilogie de zooms. J'envisage même de ressortir mon Canon 1DX avec mon 85/1,2 de son placard, alors t'as qu'à voir comment je suis perturbé en ce moment.

Alors tu veux toujours être photographe après ça pauvre con ?

Frozen Piglet  

(*) J'en fais partie, trop la classe ! 

mardi 15 octobre 2024

Tu veux ma photo ?




Le plus dur dans ce métier aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain, c'est sûrement de débuter, puis d'arriver à sauter le pas et devenir professionnel en vendant son travail à des gens qui pour une large part, ne comprennent plus pourquoi ils devraient payer, vu que selon eux, n'importe qui peut faire des photos avec son téléphone. Bah, dans ce cas, fais les toi-même tes photos connard ! (je dis connard de façon générique car il y a nombre de connasses aussi).

Une autre difficulté et pas la moindre, est de durer, durer dans le temps en tentant de gagner sa vie juste correctement, pour ne pas vivre aux crochets de sa famille, de son conjoint ou de ses amis ou de sa grand-mère ou des Assédics, en se prenant pour un artiste plus ou moins maudit. C'est ce que la majorité des jeunes gens qui se mesurent au métiers de l'image ont du mal à s'enfoncer dans la crâne. 

Certains ont la chance (je ne sais pas si s'en est une) de jouir de certaines relations dans certains milieux, de papa, maman, ou encore d'un nom célèbre ou bien de ne pas avoir besoin de travailler pour vivre une vie d'artiste confortable. Grand bien leur fasse ...

En ce qui me concerne, j'ai toujours décidé une fois pour toute que je ne continuerais pas si je n'arrivais pas à gagner ma vie et je m'y suis tenu jusqu'à aujourd'hui. Seule petite entorse à cette promesse, je suis passé à la rédaction pour produire des sujets textes et photos il y a une dizaine d'années au moins, parce que j'avais la capacité de le faire. Faute de quoi, mes revenus seraient devenus trop faibles pour continuer sur cette voie et j'aurais changé de métier. Cela m'a aussi donné la possibilité de maitriser mon sujet images et texte de A à Z sans l'aide de personne et surtout pas celle d'un ou d'une rédactrice qui se la pète, en prenant les photographes pour des presse boutons. Dans ce cadre, j'ai pu mesurer de près la différence de traitement par mes interlocuteurs, selon le statut perçu de journaliste ou bien celui de photographe de presse. Et le regard de travers des rédacteurs qui voyaient un photographe écrire, vu qu'ils nous prennent en bloc pour des illettrés.  

Une autre difficulté, c'est d'arriver à financer l'achat, le renouvellement et l'amortissement de son matériel, pas juste pour rester au top de ses possibilités, mais parce que le matos s'use vite quand il est utilisé de façon intensive, dans des conditions parfois limites. Ceci sans compter qu'il faut avoir 2 appareils gamme professionnelle identiques (de préférence), pas pour faire le malin, mais pour avoir un  back-up quand il t'arrive une tuile en plein milieu d'un boulot. Parce que en vertu de la loi de Murphy, il faut que tu saches que c'est TOUJOURS quand tu bosses sur un truc ultra important que ça va t'arriver. Et si ça ne PEUT pas arriver, ça arrivera quand même, au moment le plus inattendu et le plus chiant pour toi ... Ben ouais, t'es con ou quoi ?! Sinon ce serait pas drôle.

En la matière, tout peut se produire, panne, vol, agression ... Ou même oubli d'une partie du matos pur et simple chez toi, dans un train ou dans une voiture. C'est pourquoi il faut toujours préparer ton sac la veille et re-checker avant de partir, en plus de prendre des cours de karaté. Mon matériel ne me quitte jamais en reportage y compris pendant les déjeuners quand le boulot est fini. Je ne le laisse jamais même dans un coffre de voiture même fermé, même dans un bureau fermé à clé ou tout autre endroit où je ne peux pas l'avoir sous les yeux en permanence. Ça c'est l'expérience qui parle.

Oui, oui oui oui, mais tout cela, ce serait bien trop simple si ça suffisait. 

Parce que ensuite, il y a le rêve et la réalité. Si j'ai assez longtemps travaillé pour des magazines qu'on trouve en kiosque. Aujourd'hui, je ne boxe plus dans la même catégorie et si je gagne encore assez correctement ma vie, les années fastes ne sont plus qu'un souvenir sauf exception. Bien sûr, j'ai eu une belle image dans le NewYork Times et une belle double dans Newsweek, plusieurs dans le Wall Street Journal ou New York Magazine et plein d'autres parutions au Japon, en Corée (Du Sud hein ? Mais du Nord, j'aurais adoré !), en Espagne, en Allemagne, en Italie, aux USA, en Russie et même en France ! Mais, aujourd'hui, je ne suis même pas au courant des parutions pour les photos vendues par l'intermédiaire des agences photos et de leurs accords de diffusion croisée. Ne pas voir le résultat de ton travail, c'est tout de même assez frustrant.  

Un jour, tout cela sera fini, mais je continuerai à faire des photos quoi qu'il arrive jusqu'à la fin du monde.

Alors ? Tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet 

 

samedi 12 octobre 2024

Ok Boomer






Avec le digital, beaucoup de jeunes gens, souvent un peu perdus dans une vie sans imagination et sans projets, pensent pouvoir s'inventer une activité professionnelle à peu de frais avec l'auto entreprise. Et pourquoi pas celle de photographe après tout ? Mais il y en a plein d'autres spécialités : graphiste, créateur de mode, vidéaste, dropshipper ou whatever.  En prime il ya plein d'escrocs qui sont là pour leur expliquer qu'en suivant leur webinaire à 1500 euros ils vont turbiner sur leur MAC, 2 heures par jour au Starbucks et gagner 20 000 euros par mois (mais ça c'est les mauvais mois). Ça me fait des bonnes parties de rigolade.

Non mais ce qui m'étonne le plus, c'est de lire les échanges surréalistes sur des pages Facebook de mecs qui ont vendus 3 photos sur une agence de stock à 1 dollar.

Moi je fais partie des derniers des mohicans, ceux qui ont la carte de presse et qui sont indépendants et encore payés en salaire à la pige, parce que j'ai la carte de presse depuis bien longtemps. La pige ça veut dire que t'es payé en salaire, mais si on ne te commande rien, eh bien tu touches que dalle. Tu vois le topo ou pas ? On est pas comme les intermittents du spectacle qui dés qu'ils ont leur quota d'heures pour s'inscrire au chômage, se mettent à bosser au black, en touchant en parallèle les indemnités. Mais non je l'ai pas dit ! 

Pour qu'on te paye en salaire comme journaliste dans une entreprise de presse, il faut que tu aies la carte de presse qu'on te dit. Mais pour avoir la carte de presse, il faut que tu puisses justifier de boulots payés en salaire sur des titres de presse. Tu saisis l'embrouille ou pas ?

Il y a trois ans, suite à un contrôle de l'URSSAF, un de mes employeurs a été redressé à cause de moi. Car il ne suffit pas de payer les titulaires de la carte de presse en salaire, il faut aussi se mettre en conformité avec la convention collective qui régit ce genre de collaboration. Résultat pour l'éditeur, 3 ans de redressement sur le 13ème mois absent et la prime d'ancienneté comme titulaire de la carte. Une belle surprise pour moi à l'arrivée. Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas gagné 5 500 euros nets en un mois sur deux mois consécutifs. Ça tombe bien, je pense à acheter un Z9 et un 24-70 plus un 80-200 Série Z.

Le truc, c'est que j'ai d'autres employeurs qui risquent la même chose et même plus pour les mêmes raisons, mais heureusement pour eux, je n'ai pas une âme de délateur. Sinon j'achèterai aussi un 85 1,4 et un 300 2,8 et une second Z9.

Je sais que les derniers arrivés n'en ont rien à foutre de ce genre de contingences. Peut-être qu'ils comptent sur papa maman et pépé mémé pour leur payer le matos et le loyer jusqu'à la fin des temps ? Ils risquent d'avoir des nervous break down, je leur prédis d'avance ... Quand je pense que ces gars sont censés payer nos retraites, on risque nous aussi d'avoir un réveil pénible.

Un tout autre sujet, récemment je me suis inscrit sur "Threads", un réseau qui est une émanation d'Instagram et de Facebook. Il faut voir ça pour le croire. C'est un mélange d'annonces sur des thèmes comme la photo sans budget avec des modèles qui ressemblent à s'y méprendre à des prostituées (les fameuses collabs) et la sexualité anale assumée y compris avec des naines. Les filles de 20 ans qui aiment coucher avec des hommes de 60 ans et qui écrivent le français en phonétique. Et je ne parle pas de celui qui cherche un logement avec la femme (fournie comme un meuble) qui voudra de lui ... ou de ceux qui proposent des boulots non rémunérés à la pelle. Ou de celles qui demandent "la longueur de ta bite" ou qui veulent la tenir pendant que tu fais pipi genre ...

Parfois je m'interroge vraiment sur l'avenir de ce monde sans projet, sans perspectives et  qui est devenu une vraie fabrique à crétins. Je commence à me demander si je ne vais pas démarrer un reportage sur ce sujet, genre. Heureusement avec l'intelligence artificielle, plus besoin de réfléchir.

Alors tu veux toujours devenir photo journaliste pauvre con ?

Frozen Piglet




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