samedi 24 décembre 2016

Les photographes sont très gentils vous savez

Les photographes sont très gentils vous savez. Malgré toutes les avanies qu’on leur a fait subir ses dernières années sous les quolibets d’une armada de connards patentés, je les trouve extrêmement conciliants, limite résignés. Certains diraient apathiques, tant on a été loin dans l’humiliation et dans la négation des compétences de toute une profession sans réaction de sa part. Même si l'individualisme est largement responsable de cette situation, à leur décharge, il faut dire qu’on s’est consciencieusement foutu de leur gueule, année après année, ministre après ministre, rapport après rapport, commission après commission, Visa pour l’image après Visa pour l’image. Finalement on leur a proposé avec un grand sourire de devenir smicard en travaillant 2 fois plus que les autres. Ça tombe bien. Le ticket d’entrée pour obtenir sa carte de presse aujourd’hui est d’un demi smic, alors ça laisse de la marge. Ceci pour les derniers photographes (quelques centaines) qui peuvent y prétendre. Quant aux stars du photo journalisme, ils cachetonnent souvent à 200 ou 300 euros la prise de vues pour payer le loyer et juste tenter de survivre. La solution qu’on leur propose ? C’est d’autoproduire leurs sujets, c’est à dire de les financer intégralement avant de tenter de les vendre pour des clopinettes.
Dans tout ce fatras qu’est devenu le photo journalisme et la photo professionnelle, il y pire pourtant que les putains d’agences de flux où les tarifs des photos se négocient au forfait en centimes d’euros. Il y a aussi les publications de presse gavées d’argent public qui payent les photographes et leurs agences à 100, 200, 300, 600 jours ou même jamais, en contravention avec toutes les règles et en foutant la honte aux derniers iconos qui leur passent commande. Ces titres de presse, tout le monde les connaît. Ils appartiennent à de très grosses fortunes françaises, dont on se demande encore comment elles auraient pu bâtir leur réussite, sans l’appui de certaines banques particulièrement bien disposées à leur égard et de tous les "fournisseurs" qu'ils payent quand ils ne peuvent plus faire autrement. Je vais te dire. Tous ces mecs-là te pissent sur la jambe et après, ils te racontent qu’il pleut. Et pourtant, c’est tout juste si on ne les présente pas comme des bienfaiteurs de l’humanité, alors qu’ils trônent au sommet d’une pyramide de cadavres, d’esclaves, de résignés et de chômeurs.
Mais comment un tel système a pu s’installer aussi insidieusement avec le temps dans la photo de presse  (mais aussi dans plein de secteurs) comme une maladie contagieuse ? Pour les autres je ne sais pas, mais pour nous c'est très simple. L’argent n’a jamais été un moteur de la photographie professionnelle. Tout juste un petit mal nécessaire pour photographier encore et encore et pouvoir continuer à pratiquer son activité en professionnel, même en crevant la dalle. Jamais les problèmes de rémunération n’ont été un frein à la prise de risques, aux initiatives, à la mise en danger, au travail de photographe. Même si c’est à l’arrivée qu’on compte les morts. En fait, on ne pratique pas ce métier par hasard. On est marié avec lui pour le meilleur et pour le pire.  

Mais à force, de tarifs indignes, de photos « mention DR », de photos soit disant « libres de droits », de vols et de pillages systématiques sur le net, on est arrivé à un point de non retour. Il est temps de dire stop, de cesser de dénoncer du bout des lèvres, les turpitudes du système en continuant à y participer bien malgré nous. Pour la première fois, les syndicats de journalistes commencent à bouger alors que leurs adhérents nous ont toujours détesté. Les collectifs et les agences de photographes menacent de couper le robinet aux services photos des titres de presse qui jouent ce jeu dégueulasse. Pour la première fois, il y a un semblant de réaction collective. Moi je vous le dis, ne ratez pas le train les mecs, car cette fois, il ne repassera pas. Avec ou sans billet, montez dedans ou bien restez sur le quai et abandonnez tout espoir. Joyeux Noël à tous et à toutes !

Frozen Piglet

Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez lire ICI la lettre ouverte aux groupes de presse co-signée pour tout le monde




Ci-dessous, un post que j'avais déjà fait sur le sujet en novembre 2015. Depuis, Christophe Barbier a quitté la direction de l'Express, mais lui il a été payé et plutôt 2 fois qu'une !




Sur la recommandation d'un des visiteurs de mon blog, j'ai visionné ce film hallucinant où Christophe Barbier, le directeur de la rédaction de l'Express (et éditorialiste sur un certain nombre de chaines de télévision), expose sur France Inter, sa vision du "nouveau capitalisme" (désolé pour la pub, ça aussi c'est le capitalisme).
Alors c'est extrêmement simple: Si l'Express ne paye pas et ce de façon systématique: les agences photos, les pigistes, les illustrateurs,(Tout ceci sans compter son loyer et ses imprimeurs), c'est normal, c'est parce que: je cite Christophe Barbier "Aujourd'hui il y'a des bras de fer entre tous les fournisseurs et les payeurs. C'est un grand classique de ce nouveau capitalisme. Chaque chose se négocie à la baïonnette, parce que c'est comme-ça (...). C'est le capitalisme qui répond à l'après crise de 2007-2008 et il y'a des espoirs formidables. Nos contenus vont être valorisés, même si ce n'est plus la même courtoisie qu'avant". 



Résumons-nous. Donc vous commandez un travail à quelqu'un et vous ne le payez pas, volontairement ... Ce type exprime parfaitement bien le fantasme le plus fou des employeurs d'aujourd'hui, de demain et de toujours. Transformer tous les salariés en fournisseurs pour les tenir au creux de leur main, comme des objets. Accessoirement, tenir ses engagements et payer les gens qui travaillent pour lui, c'est juste de la courtoisie. Il faut donc dire merci quand ça arrive j'imagine ? Oui oui ! Vous entendez bien les mecs ! Vous ne rêvez pas ! Je me demande s'il dit merci au moins, cette raclure à l'écharpe rouge, quand il reçoit son gros chèque à la fin du mois ?
En fait, je vais vous dire, ça tombe très bien au moment où l'on annonce la Loi Macron 2. Un projet qui institutionnalise le travail précaire avec "le professionnel de proximité" un statut customisé ultralight d'auto-entrepreneur. Moi je dis dommage. Dommage que les gens se résignent au mépris et à l'humiliation sans réagir. Dommage que à de rares exceptions, les intellectuels nous aient abandonné. Dommage que le fils de Christophe Barbier soit photographe (Ah putain ! Le con !). 


Frozen Piglet


L'Express et les magazines du groupe Roularta (L’Expansion, Mieux-Vivre votre argent, Point de vue, Studio Cinélive, L’Etudiant et Lire) ont été rachetés, faut t-il le rappeler, par Patrick Drahi déjà détenteur du quotidien "Libération", du groupe NextRadio (BFM TV et RMC Infos), de SFR-Numéricable. Le rachat du groupe Express s'est traduit par le "départ volontaire" de 115 salariés et le plan de sauvegarde de l'emploi qui arrive, annonce le licenciement de 125 personnes (à Libération, il a supprimé 1/3 des effectifs). Le nouveau venu dans le monde des médias est propriétaire de la chaine d'information israélienne i 24News et il a racheté des opérateurs du téléphone et du câble un peu partout dans le monde. Son groupe est aujourd'hui endetté à hauteur de 48,2 milliards d'euros. Une toute petit paille pour un type qui nous refait le coup des tuyaux et des contenus. C'est Jean-Marie Messier qui doit rigoler.

5 commentaires:

Dom. a dit…

Tu y crois, toi, à ce blocage des images ?
Il y aura toujours un crève-la-faim, ou un vorace, qui en profitera pour grappiller un peu de flouze.
Dans un autre domaine, pourquoi les bouseux ne décident-ils pas de ne plus approvisionner leurs affameurs ?

Frozen Piglet a dit…

Je suppose que les "bouseux" ne sont pas en mesure d'être en cessation de paiement. Mais ce n'est qu'une supposition.
En ce qui concerne les photographes, seule une action collective encore une fois pourra avoir une quelconque portée. C'est clair.

Dom. a dit…

Ok pour l'action collective dans notre domaine.Mais ce devrait être au niveau mondial.

Pour l'agriculture, c'est leur syndicat qui est véreux.
Et pour une fois, ce sont les petits qui s'en sortent le mieux.

Anonyme a dit…

https://twitter.com/hrtbps/status/396264453974417408

Kdebra a dit…

Libération camarade ! http://www.liberation.fr/debats/2017/02/27/la-photographie-francaise-etouffe_1551457

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