lundi 30 novembre 2020

Vos Papiers !


Comme tant d'autres, j'étais à la manif contre le projet de loi sur la "sécurité globale" et son article 24, qui nous met à la merci des excités de la matraque. C'est marrant ces expressions fabriquées qui dans les faits veulent dire exactement l'inverse de ce qu'elles prétendent. Le truc, c'est que j'ai un peu passé l'âge de me faire casser les dents, donc je ne m'attarde rarement sur les lieux, sur ce genre de sujets. Je fais un tour d'horizon de ce qui se passe et je rentre sagement pour envoyer mes photos avant la fin de la journée. Alors bien sûr je rate les voitures en feu, les saccages de magasins, les passages à tabac des uns et des autres et puis des belles photos d'ambiance dans la lueur des flammes, mais je m'en fous. 

Des événements comme celui-là, j'en ai suivi des tas et j'ai encore en mémoire le bruit d'une crosse de fusil s'abattant lourdement sur le crâne d'un manifestant, Place de la République justement. Où bien cette jeune femme hurlant de douleur, toute ensanglantée, alors qu'un membre des forces de l'ordre venait de lui ouvrir le cuir chevelu avec un coup de matraque juste à un mètre de moi. C'était un temps où les voltigeurs de Pasqua s'en donnaient à coeur joie en binôme sur leurs motos, en montant sur les trottoirs. Et croyez-moi, presse ou pas presse, il fallait courir vite. 

Que les métiers du maintien de l'ordre et de la police en général attirent toute une bande de timbrés qui avancent plus ou moins masqués, c'est un fait clairement établi. Même si tous les flics ne sont pas à mettre dans le même panier. Globalement, et sauf exception, les photo journalistes ont des rapports exécrables avec la police. Elle nous voit au mieux comme des fouille merdes, au pire comme des ennemis. Elle ne fait donc rien pour nous faciliter le travail. Elle fait même tout son possible pour nous mettre des bâtons dans les roues, au besoin en inventant des textes de lois, ou des directives préfectorales qui n'ont jamais existé. 

Mais quand on se retrouve dans une situation plus ou moins insurrectionnelle même localisée, on doit mesurer les risques que l'on prend et les assumer. C'est aussi cela être photo journaliste. Dans le cas contraire, on est un inconscient ou un abruti, même habillé en noir avec un appareil photo autour du cou et un casque barré de la mention "Presse" en orange fluo. Le problème est qu'il y a aujourd'hui une réelle tension dans l'air et de l'agressivité dans tous ces évènements, pour tout un tas de raisons. D'ailleurs tout le monde sait pertinemment comment cela va se terminer. Beaucoup de gens qui réalisent des images attendant avec une sorte de gourmandise, le moment où cela va dégénérer, en espérant être au coeur de l'action. C'est vrai, les bagnoles qui crament, c'est très photogénique, surtout à la tombée de la nuit. Mais j'ai peur que un jour, cela se termine très mal. 

Alors ? Tu veux toujours être photographe pauvre con ? Rendez-vous dans les prochaines manifs et fais attention à toi.

Frozen Piglet

jeudi 19 novembre 2020

Floutage de Gueule

Décidément ce gouvernement n'en loupe pas une, et son arrogance est au moins aussi grosse que la taille de son melon. Faudrait peut-être qu'ils pensent à confier leur communication à des professionnels (comme-moi). Hier, le ministre de l'Intérieur a évoqué la nécessité pour les journalistes de se «rapprocher de la préfecture de police pour couvrir une manifestation». Selon ce mec, les journalistes devraient donc être aux ordres de la Police, lorsqu'il s'agit d'exercer ou non leur métier dans le cadre d'une manifestation autorisée ou pas. 

Il faut dire que son "schéma national de maintien de l'ordre" prévoit l'instauration "d'un canal d'échange dédié" entre la police et les journalistes. Attention, pas n'importe lesquels: Ceux "titulaires de la carte de presse accrédités auprès des autorités". Ça va pas faire grand monde, puisque ceux qui n'ont pas la carte de presse ne l'ont pas et ceux qui l'ont et qui voudront se faire accréditer travaillent pour le journal de la police ou Valeurs Actuelles, non ? Sinon pour les fameux "médias libres et indépendants", c'est mort (bonne garde à vue les mecs !).

Tout cela pour dire que dorénavant, on peut se retrouver au gniouf pour avoir photographié ou filmé des policiers dans l'exercice de leur fonction. Surtout s'ils sont identifiables et que l'on devient ainsi les complices objectifs de racailles de banlieue ou d'islamistes radicaux rétrécis du bulbe. On peut tout aussi bien être arrêté pour être resté sur place alors que l'ordre de se disperser est prononcé. 

Bon c'est sûr que c'est plus facile de s'attaquer aux porteurs de mauvaises nouvelles que de faire régner l'ordre dans les territoires perdus de la République. Moi qui croyais que les médias et les journalistes étaient tous vendus au pouvoir politique. J'ai du rater un épisode. 

En résumé, on ne peut pas se mettre du côté des manifestants au risque de se faire casser la gueule: ("Le photographe Ulrich Lebeuf, qui couvrait le rassemblement des catholiques dimanche après-midi à Toulouse pour Libération, a été violemment agressé par un manifestant, qui a endommagé son matériel, arraché son masque et lui a porté un coup de poing au visage. Une plainte va être déposée" - Libération - 15 novembre 2020) et on ne peut pas non plus se mettre du côté de la maison "Royco" sous peine de finir en cellule et accessoirement de se faire casser la gueule pareil. Le monde est compliqué.

Tu veux toujours être photographe pauvre con ? Eh ben t'as qu'à faire les mariages, si tu veux pas te retrouver en garde à vue.


Frozen Piglet


Tribune. Responsables de rédaction, nous nous inquiétons de la volonté du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de porter atteinte à la liberté de la presse dans le cadre des manifestations.

La volonté exprimée d’assurer la protection des journalistes revient à encadrer et contrôler leur travail. Ce dispositif s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant avec la proposition de loi sur la « sécurité globale » qui prévoit la restriction de la diffusion des images de policiers et de gendarmes.

Les journalistes n’ont pas à se rapprocher de la préfecture de police pour couvrir une manifestation. Il n’y a pas d’accréditation à avoir pour exercer librement notre métier sur la voie publique.

Nous refuserons, pour cette raison, d’accréditer nos journalistes pour couvrir les manifestations.

Nous réaffirmons notre attachement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse et serons vigilants pour qu’elle soit préservée.

20 Minutes, AFP, BFM-TV, Le Canard enchaînéChallengesCharlie Hebdo, CNews, Courrier International, Europe 1, les rédactions de France Télévisions, le HuffPostLa CroixLa Croix hebdoLa Vie, LCI, Le JDD, Les Jours, Le PèlerinLes EchosL’ExpressLe FigaroLe Figaro-MagazineLe PointLe MondeLe Parisien/Aujourd’hui en FranceLibérationL’Obs, M6, MarianneMediapartParis Match, Politis, Slate, Télérama, RFI, les rédactions des antennes de Radio France, RMC, RTL, TF1, L’Alsace, Le Bien public, Le Dauphiné libéré, Les Dernières nouvelles d’Alsace, L’Est républicain, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Progrès, Le Républicain Lorrain, Vosges Matin, la Nouvelle République du Centre Ouest, Centre-Presse, La Montagne, La République du Centre, L’Eveil de la Haute-Loire, L’Echo républicain, L’Yonne républicaine, Le Berry républicain, Le Populaire du Centre, Le Journal du Centre, Le Pays Roannais, La Ruche, Le Régional de Cosne, La Gazette de Thiers, La Voix du Sancerrois, Le Courrier du Loiret, L’Eclaireur du Gâtinais, Le Journal de Gien, L’Eveil hebdo, le Journal de la Haute- Marne, la Provence, la Marseillaise, Sud Ouest, La République des Pyrénées, L’Eclair, Charente Libre, Dordogne Libre


La commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, composée de journalistes et d'éditeurs de presse en activité dans tous les secteurs, tient à rappeler, dans le contexte actuel, une évidence.

La carte de presse, délivrée sur des critères légaux, se suffit à elle-même pour démontrer sa qualité de journaliste professionnel sans autre formalité de quelque sorte, accréditation notamment (c'est vrai aussi en ces périodes de confinement).

La CCIJP ajoute que si cette carte d'identité, document officiel, peut être montrée par exemple à tout membre des forces de l'ordre, elle ne doit en aucun cas être remise et laissée à des personnes étrangères à celle ou celui qui la détient.

Attribut du statut de journaliste, elle démontre la qualité du journaliste professionnel ; outil de travail, elle facilite son activité sur le terrain et le protège ; elle est par ailleurs un outil social qui permet au journaliste de faire valoir ses droits (dans les entreprises de presse, au chômage, etc...) tout en respectant des devoirs (chartes de déontologie) ; elle est enfin un symbole de la démocratie.

La commission de la carte d'identité des journalistes professionnels.

Paris le 23 novembre 2020

 

mercredi 4 novembre 2020

Alone in the dark

Il parait qu'on a pas besoin d'attestation, pour faire son taf, quand est photographe et journaliste comme-moi (ben ouais kes t'as ?). C'est possible. De toutes façons, on a pas de boulot, alors on s'en fout. En attendant, on m'a demandé de me foutre entièrement à poil pour mon reportage sur Notre-Dame et en plus j'ai dû prendre une douche à la sortie. Ça fait drôle quand on est pas habitué. Moi je ne prends que des bains et le développement durable, je l'emmerde. Dans le temps je faisais un double fixage, mais tout ça c'est fini. 



En plus comme mon ballon est trop petit, des fois on se lave dans le même bain avec Madame Piglet, parce que y a plus d'eau chaude, alors fais pas chier. Ouais enfin là, je m'égare. J'aime bien ce genre de reportage où avant même que tu aies fait quoi que ce soit, on t'avise que si jamais on voit les photos sur une autre publication que celle qui t'envoie, tu seras roué en place de grève, écartelé et pendu au gibet de Montfaucon, où tu pourriras les yeux mangés par les corbeaux. Tout cela parce que une agence mondialement connue dont le nom commence par un M et finit par un autre M a l'exclusivité sur le truc. Ces gars-là, je les prends quand il veulent  et avec mon vieux D4, je les mets minables. Entchoulés !

La semaine dernière, j'étais sur une autre cathédrale qu'était pas mal non plus et on n'a pas fait tant d'histoire, sauf quand un mec a voulu prévenir l'architecte des bâtiments de France que je faisais des photos. De quoi je lui ai fait ?? Tu peux répéter ?? Alors là je lui ai dit que 90 mètres, ça faisait haut et qu'il devrait peut-être se confesser avant de sauter. J'étais arrivé le matin par avion et dans le zinc, on était 6 passagers et 40 sièges vides. C'est comme-ça la vie en ce moment. Du coup j'avais une jolie hôtesse presque rien que pour moi.

Faut dire que dans mon numéro de carte de presse, il y a 3 fois le chiffre 6 aussi. "666", le chiffre de la bête. C'est pour ça que j'aime les films d'horreur. Une fois j'ai fait une photo sur 360° sur le toit de la samaritaine et j'avais l'impression d'être dans l'Exorciste. Heureusement il y a plus d'eau bénite dans les églises, rapport au virus.

Bon courage les gars et que Raoult soit avec vous et avec votre esprit.


Frozen Piglet

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