Comme tant d'autres, j'étais à la manif contre le projet de loi sur la "sécurité globale" et son article 24, qui nous met à la merci des excités de la matraque. C'est marrant ces expressions fabriquées qui dans les faits veulent dire exactement l'inverse de ce qu'elles prétendent. Le truc, c'est que j'ai un peu passé l'âge de me faire casser les dents, donc je ne m'attarde rarement sur les lieux, sur ce genre de sujets. Je fais un tour d'horizon de ce qui se passe et je rentre sagement pour envoyer mes photos avant la fin de la journée. Alors bien sûr je rate les voitures en feu, les saccages de magasins, les passages à tabac des uns et des autres et puis des belles photos d'ambiance dans la lueur des flammes, mais je m'en fous.
Des événements comme celui-là, j'en ai suivi des tas et j'ai encore en mémoire le bruit d'une crosse de fusil s'abattant lourdement sur le crâne d'un manifestant, Place de la République justement. Où bien cette jeune femme hurlant de douleur, toute ensanglantée, alors qu'un membre des forces de l'ordre venait de lui ouvrir le cuir chevelu avec un coup de matraque juste à un mètre de moi. C'était un temps où les voltigeurs de Pasqua s'en donnaient à coeur joie en binôme sur leurs motos, en montant sur les trottoirs. Et croyez-moi, presse ou pas presse, il fallait courir vite.
Que les métiers du maintien de l'ordre et de la police en général attirent toute une bande de timbrés qui avancent plus ou moins masqués, c'est un fait clairement établi. Même si tous les flics ne sont pas à mettre dans le même panier. Globalement, et sauf exception, les photo journalistes ont des rapports exécrables avec la police. Elle nous voit au mieux comme des fouille merdes, au pire comme des ennemis. Elle ne fait donc rien pour nous faciliter le travail. Elle fait même tout son possible pour nous mettre des bâtons dans les roues, au besoin en inventant des textes de lois, ou des directives préfectorales qui n'ont jamais existé.
Mais quand on se retrouve dans une situation plus ou moins insurrectionnelle même localisée, on doit mesurer les risques que l'on prend et les assumer. C'est aussi cela être photo journaliste. Dans le cas contraire, on est un inconscient ou un abruti, même habillé en noir avec un appareil photo autour du cou et un casque barré de la mention "Presse" en orange fluo. Le problème est qu'il y a aujourd'hui une réelle tension dans l'air et de l'agressivité dans tous ces évènements, pour tout un tas de raisons. D'ailleurs tout le monde sait pertinemment comment cela va se terminer. Beaucoup de gens qui réalisent des images attendant avec une sorte de gourmandise, le moment où cela va dégénérer, en espérant être au coeur de l'action. C'est vrai, les bagnoles qui crament, c'est très photogénique, surtout à la tombée de la nuit. Mais j'ai peur que un jour, cela se termine très mal.
Alors ? Tu veux toujours être photographe pauvre con ? Rendez-vous dans les prochaines manifs et fais attention à toi.
Frozen Piglet
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