vendredi 24 mars 2023

De Russie




Hier j'étais à la Manifestation parisienne contre la réforme des retraites. Grâce au petit millier de BB Black blocs en tête du cortège, elle s'est déroulée dans le sang, les larmes et la fureur. Mortiers dans la gueule, marteaux pour casser les abribus et les sucettes Decaux, kiosques à journaux incendiés pour entraver sans doute la diffusion de la presse financée par les milliardaires du CAC 40. Jets de pierres et de tout ce qui leur tombait sous la main, incendies de palettes judicieusement placées là à l'avance et feux de poubelles systématiques. 

Bref, de nombreuses animations pour le plus grand bonheur des rigolos aux casques marqués "presse" habillés tout en noir, avec leurs lunettes de ski et des masques de peintre. Ils doivent revenir de Méribel après une semaine de snow. Il y en a même qui portent des accessoires militaires de protection, achetés dans les surplus. Quelle rigolade de les voir affublés de cette manière.

Parler de retraite à des photographes (le sujet du moment pour les libéraux de droite et les anciens trotskistes), c'est comme parler cantonais à des paysans berrichons ou demander à des étudiants en master 2 d'arrêter de faire des fautes d'orthographe ou de hurler des slogans révolutionnaires alors que ce ne sont pour la plupart, que des petits bourgeois mal éduqués et sans aucune conscience politique.

Les acnéïques qui revendiquent d'exercer le métier de journaliste depuis la semaine dernière ont déjà bien du mal à gagner 3 ronds une fois tous les 6 mois en se la jouant, alors la retraite c'est pour les vieux, les autres qui vont bientôt mourir ... Ceux qui pratiquent depuis des années et qui croisent les doigts, en espérant un miracle qui n'arrivera pas. Non aucun miracle ne se produira pour ceux qui n'ont jamais cotisé, ou pas assez ou pas assez longtemps. Ceux qui s'imaginent que c'est automatique et que ça tombe du ciel par l'opération du Saint-Esprit, alors qu'ils ont été en précompte agessa pendant 25 ans ou qu'ils ont bossé au black. Ceux qui pensent secrètement que le ciel y pourvoira et qui vont jouer les étonnés devant la catastrophe qui ne manquera pas de leur faire coucou et de leur péter à la gueule le moment venu. Et ce moment là, il finira par arriver, soyez-en sûrs !

Dans la presse, la vraie, le problème est un peu différent. Là aussi, tout est une question de générations entre ceux qui ont le statut de journaliste avec la carte de presse (comme-moi, vu que je ne suis pas un perdreau de l'année) et les crevards qui sont payés en droits d'auteur avec un système ou le photographe supporte seul l'intégralité des cotisations sociales (appelées improprement charges sociales par les suppôts du MEDEF), comme chez les chauffeurs VTC et les livreurs de pizzas hawaïennes. En ce qui concerne la presse, c'est parfaitement illégal, mais les chances de se faire gauler par l'URSAFF sont infimes compte tenu du faible nombre de contrôles effectués. Alors j'aime autant vous dire que pour décrocher la carte de presse aujourd'hui pour un photo journaliste, il faut vraiment se lever de bonne heure ou être bi ou tri-médias ou très pistonné.  

Même pour ceux qui ont la carte de presse et qui sont donc payés en salaire, il y a un piège. C'est celui de l'abattement de 30% sur les cotisations sociales. Un système hérité du passé qui plombe tous les photographes pigistes, qui se le voient imposé par les éditeurs, bien qu'il soit soumis à une autorisation signée et ce chaque année (c'est obligatoire depuis plus de 20 ans). Résultat la cotisation retraite est calculée sur la base de 70% du salaire brut et elle est donc minorée d'autant avec un résultat désastreux à la fin du game. Mais comme la plupart des gens ne savent même pas lire une feuille de paie, ça passe crème. Il sera bien temps de se lamenter plus tard avec le minimum vieillesse pour une personne seule ou un photographe qui s'est fait plaquer par son ex qui en avait marre de faire tourner la baraque.

Quand j'entends les politiques pontifier sur le sujet en parlant de carrières hachées et de pénibilité, je rigole avec ma carte de presse en plastique et mes deux D5, ma hernie discale et mes lombaires soudées. Moi qui n'ai jamais pris un seul jour d'arrêt maladie de toute ma vie d'artiste. Je leur chie dans la poche et je leur pisse dans l'oeil.

Alors tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet

Pendant ce temps, à l'Elysée, on prépare le banquet qui doit accueillir 150 invités au Château de Versailles, en présence de Charles III et de ses grandes oreilles. Un timing parfait pour énerver encore un peu plus la foule qui n'est pas le peuple et vice et versa. On me dit dans l'oreillette que cette visite est annulée. Quelle lucidité des services de l'état. Dommage que les médias français ne parlent jamais des grèves qui se produisent actuellement en Angleterre en voir de Tatchérisation accélérée et en Allemagne. C'est trop loin sans doute ... 



mardi 14 mars 2023

Pour quelques dollars de plus




Déposer ses photos dans la galaxie des agences ou des banques d'images ou de Stock ou whatever you call it, c'est devenu aujourd'hui comme les jeter dans un puits sans fond parmi les centaines de millions d'images qui  s'y trouvent déjà. Moi je dis que c'est comme faire le trottoir à Pigalle, pour le compte de maquereaux atteints de la petite vérole.

Pendant que mon ticket de caisse augmente de 30% au "Carrefour Market" en face de chez moi (5% selon l'agence gouvernementale de désinformation INSEE), le prix moyen des photos vendues par nos chères agences baisse chaque année, de 15% en moyenne sûrement à cause de la guerre en Ukraine et des problèmes de logistiques ou de cours du gaz russe. Et ce n'est pas la moindre des analogies entre ce qu'est devenu le marché mondialisé de la photo et les méthodes de la grande distribution. Sauf que là, les photographes se retrouvent dans la case fournisseurs, face à des entreprises qui font la loi et qui changent les clauses des contrats tous les 6 mois, sans te demander ton avis et toujours à leur profit. La plus grande défaite a été d'accepter de voir la part photographe passer de 50 à 40%. Le reste n'est qu'une lente dégringolade sans fin ... Sans carte de fidélité pour toi, mais avec tickets de réduction pour les éditeurs. Peu importe que ce soit du stock, de l'illustration, du reportage, tout est logé à la même enseigne du discount comme chez LIDL.

Si t'es pas content, la porte est grande ouverte. Tu peux toujours changer de crèmerie, mais ce n'est qu'une illusion, puisque par la loi des intermédiaires et des accords de distribution, tu finis toujours par retrouver tes photos chez les mêmes petits fils de putes qui squattent le secteur. C'est comme cela qu'une même photo peut être vendue 100 dollars ou 10 dollars, ou 1 dollar ou 0,1 dollar. Tout dépend par qui et où.

Il y a 5 ou 6 ans, j'ai ouvert un compte chez Alamy, une banque d'images anglaise (450 millions d'images en stock). Je ne les aime pas vraiment. Je les trouve assez arrogants dans l'ensemble. Des anglais quoi ... J'ai téléchargé près de 25000 photos exclusives jusqu'à présent, et je continue. J'espère sans trop y croire atteindre un jour un revenu significatif. A ce jour, j'ai vendu environ 450 photos pour un montant de 15 000 dollars à peu près. Je dis "j'ai", parce que c'est moi qui fait tout le boulot et personne d'autre. Alamy ne fait que me piquer 60% des droits et encore plus avec ses intermédiaires de mes deux, qu'elle rétribue grassement. Et je ne parle même pas des photos qui s'évaporent sur des publications inconnues que je retrouve un jour au détour d'un site internet et que je suis obligé de signaler moi-même en m'attirant des réponses condescendantes. 

Mais à vrai dire, il ne reste pas grand chose une fois les retenues opérées et encore, chaque année le prix de vente moyen baisse. Disons que je gagne de quoi amortir mon matériel de prise de vues sur 5 ans (et je ne parle que des boitiers).

Je suis aussi dans une ex-première agence mondiale de photojournalisme dont la ligne éditoriale est aussi incompréhensible que le site qui ressemble à une rubrique nécrologique. Elle a signé un partenariat avec GETTY, ce qui me permet de voir moi aussi mes photos vendues pour 50 centimes dans le monde entier. La gloire quoi ! C'est elle qui m'a permis de faire connaissance avec l'URSSAF Limousin qui prétendait me prélever 800 euros, alors que j'avais gagné 390 euros. Heureusement que je suis payé en salaire depuis toujours comme détenteur de la carte de presse depuis ... Hein ? Oui ta gueule.

D'ailleurs je plains les jeunes photographes qui expérimentent non seulement la précarité, mais aussi le statut le plus pourri du monde, celui d'auteur et tous ses avatars. Ben ouais, ça fait bien longtemps qu'on connait l'autoenterprise dans notre métier. On est donc bien placé pour savoir que c'est de la merde et un pur rêve pour les employeurs qui transfèrent ainsi l'intégralité des cotisations sociales sur des mecs qui disent merci en plus. Les cons ! Ils comprendront un jour, mais plus tard, quand il sera bien trop tard ... A 25-30 ans, on se croit immortels et à 65, on se lamente sur son triste sort et sa retraite minable.

J'ai aussi ouvert des comptes chez Shutterstock avec 2,63 dollars gagnés sur 11 ventes  pour moins de 200 photos téléchargées. Chez Adobe Stock pour 0,22 dollars et une vente pour 68 photos. Le must, la validation des photos dans les 2 cas par des guignols qui ne connaissent rien ni à la propriété intellectuelle, ni au droit à l'image, ni à la photo en général. Ils prétendent même t'indiquer à quel endroit, tu dois faire la mise au point, alors que tu as volontairement rendu flou le premier plan de l'image. 

J'ai aussi expérimenté la signature d'un contrat avec une autre agence anglaise de photo-journalisme en même temps, mais j'ai vite réalisé qu'on avait du mal à se comprendre, même si je parle rosbif les doigts dans le nez. Alors j'ai laissé tomber ...

Le bilan de tout cela est que gagner de l'argent avec les agences n'est qu'une illusion de plus. (Je me demande où sont passé les contributeurs de FOTOLIA au fait ? Les pauvres ... Ben si les pauvres !) Bien que je connaisse des gens qui arrivent à en vivre (mal) en produisant en masse sur des sujets précis. D'autres produisent en masse tout court pour emboliser encore un peu plus le système. Mais bon l'important finalement, c'est d'avoir une âme de poète ! Pas vrai les gars ?

Heureusement pour moi, j'ai réussi à préserver quelques collaborations essentielles et sur le long terme. Sinon j'aurai changé de métier depuis bien longtemps.

Alors tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet



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