lundi 29 juillet 2013

L'espace d'un instant

À la différence des magazines des autres pays, les hebdos français dits "d'information" n'ont jamais utilisé le vrai reportage et la photo de presse à sa juste mesure (juste l'Express un tout petit peu). Cela n'a d'ailleurs jamais été dans leur culture (même pas à Paris-Match qui prétend le contraire parce qu'il publie une fois par an le boulot de Salagado). Dans l'info écrite à la française, où on sait tout sur tout, le texte est roi et on regarde le travail des photographes journalistes avec condescendance (rassurez-vous dans les autres pays aussi, les photographes journalistes ont été les premiers virés quand même). Certains osent même accuser le reportage photo de ne plus faire vendre, alors qu'ils n'ont jamais évolué dans leur façon de travailler depuis des décennies. C'est sans doute aussi pour cela que presque plus personne ne les croient et que ces magazines ont tous des tirages aussi minables. Même si leurs journalistes feignent de croire que leur point de vue compte encore un peu, j'imagine qu'ils se savent condamnés. Où alors c'est qu'ils sont vraiment cons (c'est une forte probabilité). Quoi qu'il en soit, ils finiront donc par disparaitre car ils sont incapables de se projeter sur un autre modèle que celui qui meurt à petit feu. Pour ce qui est de la photo, ces canards manqueront surtout aux agences filaires qui leur fournissent au moins 90% de leurs illustrations toutes identiques. Alors bien sûr, il y a le net qui devait permettre à la presse de prendre un nouvel essor ou même de renaitre, tel le Phénix de ses cendres. On constate que le manque de pognon lui permet tout juste de produire du contenu débilitant mais gratuit pour des illettrés, qui ne sont de toute façon pas des lecteurs de la presse payante. L'essentiel est donc de bourrer le crâne à ces jeunes républicains, avec des fables sur les nouvelles technologies, pour les transformer en bons petits soldats consommateurs de smart-phone et de fringues H&M. Des observateurs bien informés prétendent déceler l'émergence d'une nouvelle culture dans ces bouleversements ? Il s'agit en fait du naufrage d'un modèle à la dérive dépassé par les évènements, où surnagent juste quelques opportunistes parfois un peu chanceux.

Considérons un instant cet article de Marianne.fr qui est à mon sens représentatif du contenu simpliste qui est supposé toucher  le coeur des "hipsters" et le fond par la même occasion: "Instagram: après les photos, les vidéos". Quelques extraits choisis !

"Cette application permet à n'importe qui de devenir photographe l'espace d'un instant" (C'est comme les instant soupes avec les nouilles ... un peu d'eau chaude et hop !)
" Les gens y partagent tout ce qui possible et imaginable, de la nourriture jusqu'aux photos de vacances" (Ouais ouais. On bouffe aussi gratos sur Instagram, tu savais pas ?!)
"André Gunthert, chercheur spécialiste des cultures visuelles et numérique analyse ce phénomène comme un moyen d'exister en dehors de son quotidien" (Encore ! Oh putain ... L'opinion d'un chercheur est par essence imparable. Il va adorer)

On sent le mec qui a travaillé son sujet. D'ailleurs le truc est aussi de truffer son texte de liens pertinents pour venir à l'appui de sa thèse comme dans l'article de Marianne.fr avec "6 conseils pour avoir plus de followers sur Instagram". Sur cette page Wikimedias, voilà ce qu'on y trouve:

"alors nous avons décidé de vous poulez d'instagram et comment avoir plus de followers"
"Lors de l'affichage des photos, ne publiez que les meilleurs d'entre eux. Si vous publiez toutes vos photos dans une rafale, certains de vos abonnés peuvent les manquer, et ceux qui n'en ont pas pourraient se fâcher car vous inonder leur flux"
"Vous remarquerez quelques tendances: il y a toujours un peu horizons, un adorable animal ou deux, quelques coups de HDR et au moins une femme séduisante"

En fait j'ai compris. Les rédacteurs de ces trucs-là sont en Chine et c'est les même mecs que ceux qui traduisent les mode d'emploi pour les ventilateurs et les cuiseurs de riz avec un traducteur automatique. Ben ouais et ça revient plus moins cher ! Bon en même temps personne ne lit ça tu vas me dire ... Ben si moi ! Et après, c'est repris sur le site de Marianne. C'est ça Internet.


Frozen Piglet








3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Ils sont bien chez Marianne ! J'étais habitué (un peu hein !) à voir des photos "CC" et là, surprise, un copyright Marianne (donc j'imagine qu'ils on payé un photographe, ou journaleux, voire un stagiaire entre deux photocopies !) ! Yeees ! Sauf que les photos, hou lalala ! On sent le vécu ! Le pied du Sacré Coeur, c'est pire que chez Bachar, je vois que ça pour expliquer une telle "qualité". Je suis sûr que c'est "camera-caché style", sauf que l'opérateur aussi était dans le sac ! Je vous sens frémir d’impatience (attention, c'est assez dur comme images), alors, c'est par là :

http://www.marianne.net/Arnaques-au-pied-du-Sacre-Coeur_a230663.html

(ex) CLP de la PQR (ou du Crédit Mutuel; allez savoir !)

Anonyme a dit…

Le citoyen disparaît d'internet au profit de la communication, ça fait longtemps que les photographes le dénonçaient. Peut être que la fin de cette presse communicante réhabilitera l'information. En attendant collaborons, pigeons ;-)

Anonyme a dit…

Article intéressant, sur la façon dont on fait bosser gratuitement le plus grand nombre pour le bénéfice de quelques uns (et au détriment de d'un bon nombre d'autres) :
http://clesnes.blog.lemonde.fr/2013/10/22/jaron-lanier-linternet-ruine-la-classe-moyenne/

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...