lundi 4 mai 2020

La Bohême







De mes premières années dans ce métier de dingo et de mon statut assumé de free-lance, j'ai toujours gardé l'angoisse du lendemain. Ceux qui prétendent le contraire sont soit des nantis, soit des inconscients. D'autant qu'il est bien loin le temps où je pouvais prétendre parfois gagner en une semaine ce qui pouvait ressembler à un salaire mensuel pour d'autres moins bien lotis que moi. Encore faut-il prendre en compte mon outil de travail qui coûte une fortune et qu'il me faut bien payer, bon an mal an. D'ailleurs, 2020 ne se terminera pas sans que j'investisse dans un nouveau NIKON (sous les hurlements de Mme Piglet). Ce sera sans doute un D6 ou un D5 soldé ou d'occasion, si les choses tournent mal et qu'on s'approche de la fin du monde. Je vous filerai mon RIB pour une collecte sur YUKULÉLÉ ou je sais pas quoi là (Hein ? Ben ouais kwa ???). Avec les années mon angoisse n'a fait que s'accentuer. Aujourd'hui, une de mes collaboration type sur la durée ressemble quelque peu à cela. Pas toujours, mais souvent :

* Moins de 400 euros (en salaire net) par mois, en moyenne sur l'année.
* Paiement à parution. Jusqu'à 90-120 jours de délai, avec un record de 18 mois de délai de paiement.
* "Mois blancs" avec 0 revenu
* Reportages non parus, jamais payés
* Aucun accord et aucun paiement pour les réutilisations (elles sont nombreuses). Y compris sur d'autres titres.
* Cession gratuite à des tiers des photos (sans prévenir et sans me tenir au courant).
* Versement de mes photos dans une banque d'images accessible à tous.
* Avance par moi des frais de reportage avec remboursement sur justificatifs, sauf si le service concerné a perdu la note de frais (connasse !).
* Montant des frais engagés par moi supérieur (parfois) à 50% du salaire perçu en un mois. 
* Le menace continuelle de supprimer le règlement en salaire pour basculer sur le droit d'auteur, quitte à chier sur le Code du Travail et la Convention Collective.
Hors catégorie: Le mépris. Le mépris qu'on te jette au visage dés que tu t'avises de l'ouvrir. Ça c'est la prime (défiscalisée). Tu pourrais dire merci quand-même !

Dans ces conditions, aujourd'hui il faut bien s'accrocher pour ne serait-ce que accéder au statut de smicard envié par tous et toutes. À cet égard, le fait qu'il suffise d'un demi-smic (*) (500 euros bruts par temps de pandémie) pour obtenir la carte de presse est symptomatique d'un métier sub-claquant ou bien mort selon Télérama. Même si le monde libéral tente là aussi de nous faire croire le contraire, en construisant des statuts totalement bidons, hors salariat, pour asservir un peu plus une bonne frange des métiers de la création. Mais qu'importe puisque comme dit Jean-Michel Jarre: "la création existait avant l'électricité et elle existera encore après Internet".
Bon courage à tous, aux photo journalistes et aux autres aussi.

Frozen Piglet

(*) Alors ne me faites pas rigoler avec l'abattement de 30% qui a d'ailleurs été supprimé il y a 24 ans et remplacé par une allocation pour frais d'emploi







1 commentaire:

Stéphanie a dit…

T'inquiètes. Un jour t'auras la légion

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