lundi 17 mars 2025

True Lies


L'irruption de l'intelligence artificielle dans le monde de l'image est arrivée comme une déflagration dont l'écho résonne encore à mes oreilles. Elle est pourtant un pur produit de notre temps extrêmement troublé et en perte de repères. Comment s'inventer une carrière d'artiste en volant le travail des autres sans aucun risque ? Désormais rien n'est plus facile que de rédiger son petit prompt, et en appuyant sur un bouton, d'attendre fébrilement 30 secondes, que la machine régurgite une pseudo image géniale, résultat de la compilation du travail des autres. On ne vole plus un photographe (ce qui se voyait déjà sur les réseaux sociaux), mais on vole tous les photographes. C'est bien plus confortable pour les hordes de petits connards mythomanes qui peuplent les réseaux sociaux, et pour qui l'apprentissage d'une technique quelle qu'elle soit ne signifie rien puisque qu'il suffit de cliquer pour ramasser des likes.   

Pourtant, cela n'est presque peau de zob par rapport à la désinformation, les escroqueries, les manipulations de masses de pauvres idiots qui s'annoncent. En la matière, tout ce qui peut être fait sera fait car Internet est une arme de destruction massive des esprits, j'allais dire des pauvres d'esprits, mais pas que. Ce serait presque drôle si ce n'était pas aussi tragique.

Je connais tellement de mecs comme moi qui sont dans la merde en France et ailleurs. Des vrais professionnels avec un travail totalement original et de grande qualité, que ça me donne envie de vomir. Pour ma part, je suis relativement épargné pour une unique raison. J'ai la carte de presse depuis très longtemps et je suis donc payé en salaire, selon la convention Collective de la Presse. Avec des collaborations régulières et sur le long terme, on ne peut se débarrasser de moi que sur une rupture de contrat de travail et vue mon ancienneté, ça chiffre. Mais je ne fais aucune illusion, je fais partie de la dernière génération (très) relativement protégée par un statut réglementé. Après moi le déluge et vive la précarité de l'auto-entreprenariat ou un statut similaire de merde, du même acabit. La carte de presse, c'est un peu comme les vélo au feu rouge. Il y en a un sur mille qui s'arrête et un sur mille qui l'a.

Je le sais depuis longtemps. S'il n'y a aucun changement de cap, tôt ou tard, le monde versera dans la sauvagerie des images et du reste. Après tout il y a tellement de photographes qui n'ont jamais su gérer leur vie tout court, pour finir dans la misère ou morts, que cela ne choquera personne. Mais quand ce sera l'immense majorité des gens qui seront dans un océan de merde, que se passera t-il ? Hein les jeunes ? Bon en attendant, continuez à faire vos petites images avec votre IPhone 16 payé par Papa Maman, pour les poster sur Instagram ou je ne sais quelle plateforme à la mode cette semaine. Des "collabs" ils appellent cela les jeunes. C'est pas payé et si t'as de la chance, tu fais des shifts chez McDo pour aller au cinoche. Si ta grand-mère te file des tunes pour Noël, tu peux même te payer tes tazs et des whiskys coca. Oh la chance !

Remarque, moi j'ai travaillé dans un supermarché parisien les vendredis soir et les samedis soir pendant 3 ans, quand j'étais étudiant. mais c'était pour me payer mes premiers appareils photos.

Alors tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet


 



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