La chasse à la bourgeoise est-elle ouverte ...

Vous avez surement entendu parler de ce procès qui opposait cette femme photographiée dans la rue et le photographe François-Marie BANIER (auteur de la photo publiée dans le livre "Perdre la tête" par Gallimard). Cette dame voulait faire valoir un préjudice au prétexte que cette photo était prise contre son assentiment et qui plus est, son image était dénaturée par la proximité "de portraits de marginaux et d'exclus". Elle s'estimait de ce fait devenir "une caricature de bourgeoise" et réclamait 200 000€ de dommage et intérêts au photographe. Cette dame a été déboutée en première instance et en appel.

En appel, le tribunal a estimé que "cette photographie présente un caractère anodin, ne révèle aucun élément d'ordre privé et donc ne peut relever de la sphère protégée à ce titre par l'article 9 du code civil (le droit à l'image)". Toujours selon le tribunal, le droit à l'image doit se concilier avec la liberté d'expression artistique (article 11 de la déclaration des droits de l'homme).

Conclusion(le plus important): cette photo n'est pas dégradante et ne porte pas atteinte à la dignité de la plaignante. Elle n'est donc pas fondée à réclamer cet argent. Les magistrats reviennent donc à l'esprit des lois et c'est très bien. Ce cas va faire jurisprudence, parfait.

Bien sûr, on parle de cette affaire dans la presse. Quelle est l'analyse de nos meilleurs amis les rédacteurs ?

Ne cherchez pas, comme d'habitude, ils nous font le coup de Doisneau, Ronis et même Depardon (Quelle imagination ! Quelle culture de l'image !).

Dans le cas d'une décision de justice contraire, ces trois braves garçons n'auraient pas pu prendre toutes leurs jolies photos. Ça doit être ce qu'on appelle la courbure du temps. Tant qu'il arrêtera pas d'être mort, il y a peu de chance que Doisneau fasse une photo la semaine prochaine, Willy Ronis a 89 ans et il doit faire son possible, Depardon n'est pas exactement le genre à se trimballer des tas de procès vu son travail.

Ensuite on parle des autorisations signées par les personnes représentées comme autorisation de publication pour le photographe. Tout le monde sait que cette autorisation ne vaut rien ... Puisqu'elle est révocable à n'importe quel moment et de toutes façons, elle n'est valable que pour une publication. Après on brûle les photos. Kwa ? Tu ... fais ... du numérique ?? Eh ben tu brûles le MAC ! Tu ... es... en PC ? Oh bah attend un peu il va prendre feu tout seul ...

Moi j'aurais préféré qu'ils parlent de toutes les affaires jugées dans les années 1990-2000. Vous savez bien les procès où le journal appelait en garantie l'agence (qui parfois appelait le photographe en garantie aussi !). Le journal là, il en avait rien à foutre de la liberté d'expression et des droits de l'homme, du droit à l'information. Les journalistes là, ils n'estimaient pas devoir être solidaires de quelque manière que ce soit avec un crevard de photographe (surtout quand c'était de l'illustration). Ah oui il y a aussi des agences qui sont passées à deux doigts du dépôt de bilan. 12 000€, 20 000€ de dommages, il faut en vendre des photos pour éponger ça ...

Mais pour finir, moi je dis attention les gars. C'est pas parce que les magistrats ont arrêté d'être dingues, qu'on est sortis d'affaire . Parce que, à mon avis, il n'y a que les "artistes" qui ont le droit de faire ça. Je veux dire ceux qui sont publiés chez Gallimard. Le photographe qui bosse pour le journal de l'amicale des boulistes de Lamotte-Beuvron, ça lui pend toujours au nez comme un sifflet de deux ronds

Frozen Piglet

François-Marie Banier a eu 3 procès différents pour ce livre. Pas mal ...