lundi 4 novembre 2013

Dégazage digital


Depuis une quinzaine d'années au moins, les entreprises de presse et leurs actionnaires sont un  peu comme des armateurs de pétroliers rouillés prenant l'eau de toutes parts. Ils passent leur temps à dégazer en haute mer en laissant derrière eux une trainée nauséabonde faite de guichets de départs plus ou moins volontaires et de plans sociaux, quand ce n'est pas de suppressions de titres pures et simples. Leurs représentants nuls à chier, les patrons de groupes de presse  arrivent pourtant à se faire payer des salaires insensés par ces pauvres idiots qui ont l'air de penser que leur salut viendra de là. Manque de pot, c'est facile de jouer au Citizen Kane de pacotille en allant glander à Roland-Garros quand le soleil brille, mais quand il y a du vent dans les voiles alors qu'il n'y a personne sur le pont, on se rend vite compte que ça va tourner au Costa Concordia. Compétences introuvables et vision inexistante, pour ces grands professionnels, la seule question qui qui vaille d'être posée est celle-ci : Une fois qu'il auront fini de couler tous les canards et de démanteler les derniers titres papier existants en touchant leur gros chèque, ces avortons auront-ils les ressources suffisantes pour réussir leur transfert vers le web et les sites internet et recommencer le même carnage ailleurs ?
Le dernier groupe à préparer un plan social, c'est Lagardère avec 10 titres à vendre, dont Psychologies magazine (qui a longtemps filé du boulot à pas mal de photographes et le bourdon à tout le monde), Union (toute une époque, c'était avant le porno sur internet), Be (une vaine tentative vouée à l'échec sur un créneau archi saturé), Auto Moto (on vend plus de bagnoles), Première et Pariscope (tout le monde regarde les films gratos sur internet), tout un fatras de magazines tous excellents selon la direction du groupe. Ben ouais ils veulent les vendre, ils vont pas dire que c'est de la merde quand même ... Bon tout ça, ça va faire encore 350 salariés qui risquent de se retrouver sur le carreau. Bof c'est pas grave, ils iront ouvrir des chambres d'hôtes en Ardèche ou dans le Luberon avec leurs indemnités. Tous les pigistes (je dirais un bon millier au bas mot) qui vont trinquer au passage ? On n'en parle même pas, c'est des clochards (*). On s'en tape. "La presse est au bord de l'infarctus et il faut mettre en oeuvre des thérapies de choc" qu'ils disent. "Ils vont concentrer les efforts sur les titres restants" qu'ils disent en parlant de révolution digitale (une histoire de doigts quoi).
Que des conneries ! Je vais te dire un truc. En fin de compte, grâce à ces mecs, le net va devenir le prétexte idéal pour passer à la trappe pas mal de trucs sans se faire chier. Dire qu'en contrepartie il va créer des emplois nouveaux et qu'il faut savoir s'adapter, c'est un peu comme prétendre que c'est le designer d'Airbus qui a dessiné les nichons de Lolo Ferrari (la pauvre), une légende urbaine. Au milieu du 21ème siècle, je vous l'annonce, une bonne partie du sous-prolétariat sera numérique, avec des contrats précaires à temps partiel et les salaires minables qui vont avec à tous les étages. Et il y en aura même pour tout tout le monde ou presque. Mais surtout quand même pour les pays où le tarif minimum est à 300 euros par mois (c'est encore mieux si il n'existe pas et qu'on donne ce qu'on veut). D'autant que du boulot, il va y en avoir. Oui, il va falloir se déchirer pour se mettre au niveau des décérébrés qui ignorent les accords de participe passé et qui confondent "ça" et "sa", "ce" et "se". Ils pullulent sur le net et il parait qu'ils dialoguent sur les réseaux sociaux. Si en plus, ils sont sur Facebook et Instagram avec leurs images conversationnelles, alors là, on va vivre dans un monde idéal ! Parce que Buzfeed et Topito, c'est ça le dernier truc génial devant lequel les crétins s'extasient ... Ou comment faire du trafic avec du vent sans que ça coute un fifrelin. Hein ?? Ben oui ! T'as pas compris ça ? T'es con ou quoi ?!

Frozen Piglet

 (*) Je ne donnerai qu'un conseil à tous ces mecs qui vont se retrouver sans boulot : Lisez la convention collective, rubrique "clause de cession", mettez votre dossier en ordre et défoncez-leur la gueule.

1 commentaire:

Olivier a dit…

Une lecture intéressante :
http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/nov/11/twitter-ipo-wrong-people-money

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