Pendant que mon ticket de caisse augmente de 30% au "Carrefour Market" en face de chez moi (5% selon l'agence gouvernementale de désinformation INSEE), le prix moyen des photos vendues par nos chères agences baisse chaque année, de 15% en moyenne sûrement à cause de la guerre en Ukraine et des problèmes de logistiques ou de cours du gaz russe. Et ce n'est pas la moindre des analogies entre ce qu'est devenu le marché mondialisé de la photo et les méthodes de la grande distribution. Sauf que là, les photographes se retrouvent dans la case fournisseurs, face à des entreprises qui font la loi et qui changent les clauses des contrats tous les 6 mois, sans te demander ton avis et toujours à leur profit. La plus grande défaite a été d'accepter de voir la part photographe passer de 50 à 40%. Le reste n'est qu'une lente dégringolade sans fin ... Sans carte de fidélité pour toi, mais avec tickets de réduction pour les éditeurs. Peu importe que ce soit du stock, de l'illustration, du reportage, tout est logé à la même enseigne du discount comme chez LIDL.
Si t'es pas content, la porte est grande ouverte. Tu peux toujours changer de crèmerie, mais ce n'est qu'une illusion, puisque par la loi des intermédiaires et des accords de distribution, tu finis toujours par retrouver tes photos chez les mêmes petits fils de putes qui squattent le secteur. C'est comme cela qu'une même photo peut être vendue 100 dollars ou 10 dollars, ou 1 dollar ou 0,1 dollar. Tout dépend par qui et où.
Il y a 5 ou 6 ans, j'ai ouvert un compte chez Alamy, une banque d'images anglaise (450 millions d'images en stock). Je ne les aime pas vraiment. Je les trouve assez arrogants dans l'ensemble. Des anglais quoi ... J'ai téléchargé près de 25000 photos exclusives jusqu'à présent, et je continue. J'espère sans trop y croire atteindre un jour un revenu significatif. A ce jour, j'ai vendu environ 450 photos pour un montant de 15 000 dollars à peu près. Je dis "j'ai", parce que c'est moi qui fait tout le boulot et personne d'autre. Alamy ne fait que me piquer 60% des droits et encore plus avec ses intermédiaires de mes deux, qu'elle rétribue grassement. Et je ne parle même pas des photos qui s'évaporent sur des publications inconnues que je retrouve un jour au détour d'un site internet et que je suis obligé de signaler moi-même en m'attirant des réponses condescendantes.
Mais à vrai dire, il ne reste pas grand chose une fois les retenues opérées et encore, chaque année le prix de vente moyen baisse. Disons que je gagne de quoi amortir mon matériel de prise de vues sur 5 ans (et je ne parle que des boitiers).
Je suis aussi dans une ex-première agence mondiale de photojournalisme dont la ligne éditoriale est aussi incompréhensible que le site qui ressemble à une rubrique nécrologique. Elle a signé un partenariat avec GETTY, ce qui me permet de voir moi aussi mes photos vendues pour 50 centimes dans le monde entier. La gloire quoi ! C'est elle qui m'a permis de faire connaissance avec l'URSSAF Limousin qui prétendait me prélever 800 euros, alors que j'avais gagné 390 euros. Heureusement que je suis payé en salaire depuis toujours comme détenteur de la carte de presse depuis ... Hein ? Oui ta gueule.
D'ailleurs je plains les jeunes photographes qui expérimentent non seulement la précarité, mais aussi le statut le plus pourri du monde, celui d'auteur et tous ses avatars. Ben ouais, ça fait bien longtemps qu'on connait l'autoenterprise dans notre métier. On est donc bien placé pour savoir que c'est de la merde et un pur rêve pour les employeurs qui transfèrent ainsi l'intégralité des cotisations sociales sur des mecs qui disent merci en plus. Les cons ! Ils comprendront un jour, mais plus tard, quand il sera bien trop tard ... A 25-30 ans, on se croit immortels et à 65, on se lamente sur son triste sort et sa retraite minable.
J'ai aussi ouvert des comptes chez Shutterstock avec 2,63 dollars gagnés sur 11 ventes pour moins de 200 photos téléchargées. Chez Adobe Stock pour 0,22 dollars et une vente pour 68 photos. Le must, la validation des photos dans les 2 cas par des guignols qui ne connaissent rien ni à la propriété intellectuelle, ni au droit à l'image, ni à la photo en général. Ils prétendent même t'indiquer à quel endroit, tu dois faire la mise au point, alors que tu as volontairement rendu flou le premier plan de l'image.
J'ai aussi expérimenté la signature d'un contrat avec une autre agence anglaise de photo-journalisme en même temps, mais j'ai vite réalisé qu'on avait du mal à se comprendre, même si je parle rosbif les doigts dans le nez. Alors j'ai laissé tomber ...
Le bilan de tout cela est que gagner de l'argent avec les agences n'est qu'une illusion de plus. (Je me demande où sont passé les contributeurs de FOTOLIA au fait ? Les pauvres ... Ben si les pauvres !) Bien que je connaisse des gens qui arrivent à en vivre (mal) en produisant en masse sur des sujets précis. D'autres produisent en masse tout court pour emboliser encore un peu plus le système. Mais bon l'important finalement, c'est d'avoir une âme de poète ! Pas vrai les gars ?
Heureusement pour moi, j'ai réussi à préserver quelques collaborations essentielles et sur le long terme. Sinon j'aurai changé de métier depuis bien longtemps.
Alors tu veux toujours être photographe pauvre con ?
Frozen Piglet
3 commentaires:
Je pense qu'on est nombreux à lire ces articles sur ce blog et j'en félicite l'auteur.
Je pense aussi que nous ne le remercions pas assez de nous faire lire des articles de qualité ce qui est assez rare de nos jours. C'est avec grand plaisir que je reviendrai sur ce blog lire ces publications.
Frozen, jamais encourageant mais toujours plaisant à lire :-)
Tec
Salut les mecs et merci !
FP
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