vendredi 10 juin 2022

Ouistiti Sexe

Je suis en train de lire le bouquin de Franck Courtès, "La Dernière Photo" (JC Lattès Editeur). C'est un photographe dont j'admirais le travail et les portraits pleins de délicatesse en son temps, dans Libération et les Inrocks (que je ne n'achète plus ni l'un ni l'autre). J'ai découvert ce livre grâce à un commentaire laissé sur un post précédent et je vous le recommande vivement. Dans cet ouvrage, j'ai appris que ce portraitiste d'une sensibilité rare, avait quitté le métier définitivement pour celui de l'écriture. Je suis parfois stupéfait de constater que des photographes considérés comme talentueux, ont vécu une descente aux enfers consécutive à l'arrivée du numérique. Même s'il y a plein d'autres raisons qui leur sont personnelles ou pas. Il est vrai que quand on est au sommet de l'Olympe, il est rare de ne pas en descendre un jour ou l'autre. Alors que quand on nage comme un poisson frétillant dans le cloaque de la médiocrité (comme-moi), on ne prend aucun risque. Mais on finit toujours par le regretter.

Dans cet écrit fortement marqué de l'empreinte du pathos, Franck Courtès raconte ses rencontres, décrit son métier et ses dérives jour après jour, ainsi que la souffrance engendrée par le mépris. Celui qui le contraint à réaliser un portrait en moins de 2 minutes pour satisfaire un milieu rongé par la connerie, où tout commence et tout finit dans le même instant.

Cette violence là, si je la connais bien, c'est que je l'ai vécu à la même époque comme photographe (à peu près anonyme à la différence de lui). C'est d'ailleurs devenu mon nom par défaut "photographe" ou "le photographe", même si je reprends systématiquement les gens, en leur indiquant que j'ai un nom et un prénom, comme eux et que je les emmerde. 

La violence quand on t'assène comme un reproche que "on a trouvé la seule photo où cette femme souriait dans ta série" et qu'on l'a utilisé pour une pleine page, alors que tu sais pertinemment que c'est la moins bonne image et qu'elle n'exprime rien avec son sourire de circonstance. Le mépris quand on te dit que si tu n'es pas disponible ce jour là, on va filer la prise de vues à quelqu'un d'autre, alors que la veille, on a changé de jour pour la même raison, mais pour un rédacteur. Mais tout le monde le sait, les photographes sont interchangeables.

Au delà de tous ces petits événements qui relèvent de l'anecdote, la violence ultime, c'est celle qui t'empêche d'exprimer ce que tu as de meilleur et qui fait que insensiblement, tu perds confiance en toi, avant de toucher le fond parfois. 

Moi aussi, je me suis tourné vers l'écriture pour m'entendre dire les photos que je réalisais pour illustrer mes articles devaient être gratuites, que mes titres étaient un peu trop fantaisistes, que mes propositions de reportages n'étaient pas orthodoxes. A la différence de Franck Courtès, je ne vais pas poser mes appareils sur des étagères pour autant, car mon rêve reste intact. 

je continuerai quoi qu'il arrive, jusqu'à la fin de mes jours. Mais quand j'aurai le temps, j'aimerai bien dessiner et peindre comme quand j'avais 6 ans et que je fréquentais l'atelier pour enfants des Arts Décoratifs de la rue de Rivoli.

Alors ? Tu veux toujours être photographe pauvre con ?

Frozen Piglet 


2 commentaires:

chrisomac a dit…

Merci d'avoir recommandé cet ouvrage, je ne regrette pas mon achat, un ouvrage écrit par un homme sincère , franc, et honnête .
sur le métier de reporter photo, que tout photographe amateur ou pas devrait avoir lu.

chrisomac a dit…

Je viens d'acheter l'ouvrage "la dernière photo" et je viens de le terminer. Merci d'avoir recommandé cet achat que tous les photographes devraient avoir lu, un récit clair lucide et sincère d'un honnête homme sur sa profession de reporter photo et surtout un récit sans concession et bien écrit sur ce milieu qui change un peu des biographies arrangées existantes .

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